Apothéose néolibérale : la COP26 fonde le marché mondial de l’incendie et l’offre aux incendiaires capitalistes, au détriment des peuples (et autre texte)

Publié le 22 novembre 2021 | Poster un commentaire

La Conférence de Glasgow (COP26) aurait dû en priorité :

1°) concrétiser la promesse des pays « développés » de verser au Fonds vert pour le climat, à partir de 2020, au moins cent milliards de dollars par an pour aider le Sud global à relever le défi climatique [1] ;

2°) forcer ces mêmes pays à intervenir financièrement pour couvrir les énormes « pertes et dommages » causés par le réchauffement, en particulier dans les « pays les moins avancés » et les petits états insulaires ;

3°) « rehausser les ambitions » climatiques des gouvernements pour concrétiser l’objectif adopté de la COP21 (Paris, 2015) : « maintenir la hausse de température bien au-dessous de 2°C tout en continuant les efforts pour ne pas dépasser 1,5°C par rapport à la période préindustrielle ».

Le bilan est sans appel : sur le papier, Glasgow clarifie l’objectif ambigu de Paris en le radicalisant (1,5°C est dorénavant l’objectif) et évoque la responsabilité des combustibles fossiles; mais en pratique, la Conférence n’a rien conçu pour arrêter la catastrophe. « Pas en avant dans la bonne direction », ont dit certains. Au contraire : obnubilés par la relance néolibérale post-covid et par leurs rivalités géostratégiques, les maîtres du monde ont décidé :

1°) de reporter la promesse des cent milliards pour le Fonds vert ;

2°) de dire niet à la compensation des « pertes et dommages » ;

3°) de laisser le champ presque totalement libre aux énergies fossiles ;

4°) de considérer la stabilisation du climat comme un marché de « compensations carbone » et de technologies ;

5°) de doter ce marché d’un mécanisme global d’échange de « droits de polluer » ;

6°) last but not least, de confier la gestion de ce marché à la finance… c’est-à-dire aux riches… dont les investissements et le mode de vie sont la cause fondamentale du réchauffement.

Le rapport spécial 1,5°C : une bombe avec des retombées à l’Agence internationale de l’énergie (AIE)

Le rapport spécial du GIEC sur le 1,5°C (2019) avait démontré l’impérieuse nécessité de rester sous 1,5°C [2]. Les dangers du réchauffement avaient été sous-estimés. Au-delà de 1,5°C, des cascades de rétroactions positives menacent de faire basculer la Terre dans un régime de « planète étuve » [3].Celui-ci aurait de terribles conséquences (entre autres, une hausse du niveau des océans de 13 mètres ou plus). Or, la température moyenne de surface a augmenté de 1,1 à 1,2°C par rapport à l’ère préindustrielle. Au rythme actuel, le cap du 1,5°C sera franchi vers 2030… Conclusion : les émissions mondiales « nettes » de CO2 doivent diminuer de 50% au moins avant 2030, de 100% avant 2050 et devenir négatives dans la deuxième moitié du siècle.

Ce rapport a fait l’effet d’une bombe. Les dirigeant·e·s de la classe capitaliste ne peuvent plus se mettre la tête dans le sable. Celles et ceux qui ont un minimum de cervelle doivent admettre que le réchauffement peut s’emballer au point de mettre leur système en danger. Dans ce contexte, même portée par des néolibéraux à la Boris Johnson, une politique capitaliste qui se prétend « basée sur la meilleure science » ne pouvait décemment pas maintenir l’ambiguïté de l’Accord de Paris… La présidence britannique de la COP26 a proposé que 1,5°C maximum devienne l’objectif unique, et cette clarification a été ratifiée par la Conférence.

Le GIEC est explicite: la combustion d’énergies fossiles joue un rôle clé dans le réchauffement. Du coup, l’onde de choc du rapport 1,5°C s’est fait sentir même à l’Agence Internationale de l’énergie. En 2021, elle a sorti un rapport qui dit clairement que la « neutralité carbone » en 2050 exige des mesures draconiennes à très court terme : interdiction dès 2021 d’encore développer de nouveaux champs pétroliers et gaziers, d’ouvrir de nouvelles mines de charbon, d’étendre des mines de charbon existantes, d’autoriser la construction de nouvelles centrales au charbon ; abandon du charbon dès 2030 dans les économies « avancées » et fermeture dès 2040, « dans le monde entier, de toutes les centrales au charbon ou au fuel… » [4]

Ce rapport aussi était une bombe. L’AIE avait toujours développé une vision très progressive de la « transition» . La voilà qui plaidait soudain pour un tournant radical en direction d’un « capitalisme vert » organisé autour des renouvelables. Du coup, de même qu’il ne pouvait pas maintenir l’ambiguïté de Paris, le sommet de Glasgow ne pouvait pas non plus continuer à cacher la responsabilité des fossiles. Sous pression du secteur énergétique et des principaux utilisateurs, toutes les COP depuis 1992 avaient évité le sujet ! Ce silence n’était plus tenable. La présidence britannique a soumis aux délégué·e·s un projet de déclaration appelant les parties à « accélérer la sortie du charbon et la fin des subsides aux combustibles fossiles ». On montrera plus loin comment ce texte a été neutralisé, mais la mention des fossiles subsiste dans la version finale.

Combler le fossé : un défi d’année en année plus vertigineux

L’Accord de Paris faisait le grand écart entre l’objectif (« maintenir la hausse de température bien au-dessous de etc… ») et les plans climat nationaux, ou « Contributions nationalement déterminées » (NDC). Sur base de ces NDC, le GIEC projetait une hausse de température de 3,5°C environ en 2100. Pour réduire l’écart (ou « fossé d’émissions ») la COP21 avait adopté le principe d’une révision tous les cinq ans, pour « rehausser les ambitions ».

En septembre 2020, le fossé, tous gaz confondus, est estimé entre 23 et 27 Gt CO-equivalent [5]. A éliminer impérativement avant 2030 pour rester sous 1,5°C. Il faut donc diviser les émissions mondiales par deux. Le sommet de 2020 étant supprimé (pandémie), les gouvernements décident de refaire un effort de « rehaussement des ambitions»  en vue de Glasgow. Résultat : un supplément de réductions de 3,3 à 4,7 Gt. A peine 15 à 17% de l’objectif… Sur cette base, le réseau scientifique Climate Action Tracker projette un réchauffement de +2,4°C (fourchette : de +1,9 à +3°C) [6].

Johan Rockström, directeur du Potsdam Institute, a délivré à la COP les dix messages clés de la science la plus récente. Le premier est que les émissions globales du seul CO2 doivent diminuer chaque année d’ici 2030 de 2Gt/an (5%) pour avoir une chance sur deux, et de 4Gt/an (10%) pour avoir deux chances sur trois de rester sous 1,5°C. Une réduction analogue est requise pour le méthane et l’oxyde nitreux [7]. Inutile d’espérer y arriver avec un rythme quinquennal de révision des NDC. Glasgow décide donc de passer à un rythme annuel. Vu de loin, cela semble laisser une mince chance de succès. Vu de près, c’est une illusion.

Primo : il faut tenir compte de la justice climatique. 5% et 10% de réduction sont des objectifs globaux, à moduler pour tenir compte des « responsabilités différenciées » des pays. Rockström a présenté l’évaluation la plus récente en la matière : le pour cent le plus riche de la population mondiale doit diviser ses émissions par trente, les 50% les plus pauvres peuvent les multiplier par trois. Là, on voit très clairement que le climat est un enjeu de classe, un enjeu majeur du conflit entre la minorité possédante et la majorité dépossédée.

Deuxio : linéaire en termes mathématiques, une réduction de 2 ou de 4 Gt/an n’est pas du tout linéaire en termes économiques, sociaux et politiques. Plus on réduit (ou tente de réduire) les émissions, et plus le délai rétrécit, réduire plus les émissions bute sur les exigences capitalistes de croissance et de profit. C’est très concret : dans le secteur énergétique, les patrons freinent les investissements fossiles, pour limiter les « stranded assets » (actifs dévalorisés). Comme les fossiles couvrent plus de 80% des besoins, un pic de l’offre d’énergie précédera probablement le pic de la demande. Dans l’intervalle : prix élevés [8]. C’est tout bénéfice pour les compagnies fossiles, mais cela alimente l’inflation, contrarie la relance post-covid et pèse lourd sur les classes populaires. Celles-ci peuvent lutter, ou donner leur voix aux national-populistes. Les deux options contrarient la stabilité. Calmer les prix et éviter la pénurie demanderait de relancer la production fossile. La Chine l’a fait pour le charbon et Biden a demandé (en vain) à l’Arabie saoudite et à la Russie de le faire pour le pétrole. Mais relancer les fossiles = relancer les émissions.… C’est la quadrature du cercle.

Une contradiction insurmontable, source de chaos

Chine et Etats-Unis ont sorti une déclaration commune à la COP. Elle ne sera d’aucune utilité pour sortir de l’impasse. C’est surtout une déclaration pour la galerie. Les deux grandes puissances ont intérêt à poser ensemble comme les garants de la stabilité du monde et de son climat. Peut-être tenteront-elles de collaborer sur un aspect partiel de la politique climatique (les émissions de méthane ?). Mais les tensions sous-jacentes sont très fortes et tendent à l’approfondissement des conflits.

Aux Etats-Unis, la majorité démocrate ne tient qu’à un fil : Joe Manchin, le fidèle ami du charbon. Les Républicains ont emporté le poste de gouverneur de la Virginie, espèrent gagner les élections de mi-mandat, et font campagne contre la hausse des prix du carburant. Leur victoire changerait beaucoup de choses ! En Chine, la stabilité de la bureaucratie dépend du progrès du niveau de vie moyen, d’une part, et de l’exaltation nationaliste, d’autre part. La relance du charbon n’empêche pas la hausse des prix du pétrole. Beaucoup d’éléments sont réunis pour que Pékin continue à se replier sur soi, en accélérant ses projets de récupération de Taïwan. Tout cela est très instable.

Par où qu’on prenne le problème, on bute sur l’impossibilité de la transition énergétique capitaliste: on ne peut pas à la fois relancer une économie de croissance basée à 80% sur les fossiles, remplacer les fossiles par les renouvelables, et réduire drastiquement les émissions à très court terme. C’est physiquement impossible. Soit on réduit la production pour réussir la transition, soit on sacrifie la transition à la croissance du PIB. Or, « un capitalisme sans croissance est une contradiction dans les termes » (Joseph Schumpeter). Conclusion : la contradiction est insoluble, sauf par un changement systémique révolutionnaire. Tant que cette possibilité historique ne deviendra pas possibilité concrète, la contradiction pèsera de plus en plus lourd au fil des tentatives de réduire les émissions.

Chaque capitaliste essaie de faire porter les efforts par ses concurrents et par les travailleurs/euses. Chaque classe capitaliste utilise son Etat pour faire porter ces efforts par les Etats rivaux et par les classes populaires. Et les Etats les plus pollueurs sont des Etats impérialistes qui dominent les plus pauvres. Par conséquent, la crise écologique/climatique se combinera à de sérieuses secousses économiques, sociales et politiques (voire militaires) autour des axes suivants :

1°) approfondissement des tensions sociales se traduisant en crise de légitimité accrue des pouvoirs, en instabilité politique et en tendance accrue à l’autoritarisme ;

2°) politique néocoloniale d’une brutalité croissante à l’égard des peuples du Sud, en particulier des migrant·e·s, et surtout des femmes ;

3°) rivalité plus aiguë entre capitalistes et entre Etats capitalistes ;

notamment 4°) tensions géostratégiques croissantes entre Etats-Unis et Chine. Croire qu’un tel contexte serait propice à l’incrémentation annuelle d’accords climatiques à la hauteur du défi, c’est croire au Père Noël.

Une régulation étatique pourrait faire gagner du temps, mais…

Insistons sur ce point : il n’y a pas de solution structurelle sans décroissance globale de la production, de la consommation et des transports, modulée dans le respect de la justice sociale. Il faut impérativement « produire moins, transporter moins, consommer moins et partager plus ». Partager les richesses et « le temps de travail nécessaire » [9].Une politique capitaliste de régulation, avec un rôle accru de l’Etat, ne constitue donc pas une alternative à la crise. En même temps, elle pourrait atténuer la difficulté. Mais ici, deuxième contradiction : cette politique, le Capital n’en veut pas.

Le Protocole de Montréal sur la protection de la couche d’ozone a donné un exemple de régulation efficace. Signé en 1987, entré en application deux ans plus tard, il organisait la fin de la production et de l’usage des CFC (chlorofluorocarbures), adoptait un échéancier et créait un fonds mondial (alimenté par les pays riches) pour aider le Sud [10]. Vingt ans après, les émissions avaient baissé de 80% environ, et l’Organisation météorologique mondiale constatait un début sérieux de reconstitution de la couche d’ozone stratosphérique [11].

Ce précédent pourrait inspirer des démarches dans le domaine climatique. D’autant plus qu’il y a pour ainsi dire un précédent dans le précédent: réunies à Kigali en 1996, les parties au protocole sur l’ozone décidaient d’éliminer en plus les HFC (hydrofluorocarbures). Après Montréal, ces HFC avaient remplacé les CFC. Ils ne détruisent pas la couche d’ozone mais ont, comme les CFC, un pouvoir radiatif [12] plus de mille fois supérieur au CO2. Les émissions accrues de HFC risquaient d’annuler le bénéfice climatique qui était une retombée indirecte du Protocole sur la couche d’ozone. En décidant la fin des HFC, les gouvernements mettaient la reconstitution de la couche d’ozone en cohérence avec la lutte contre le changement climatique. L’impact sur le réchauffement n’est pas énorme : à l’horizon 2050, Kigali aura réduit les émissions de gaz à effet de serre de 90 Gt CO2-équivalent par rapport aux projections, soit l’équivalent de deux années de rejets. Mais deux années, c’est important quand chaque année qui passe augmente la probabilité de basculer de la catastrophe au cataclysme [13].

La même méthode permettrait de réduire rapidement les émissions de méthane. L’effet de serre de ce gaz est beaucoup plus puissant que celui du CO2 [14] et on en émet de plus en plus. Réduire les émissions des écosystèmes, de l’agriculture (les rizières notamment) et de l’élevage ne se règle pas d’un trait de plume. Mais supprimer les fuites du réseau gazier, des puits de pétrole et des houillères est relativement aisé, ne demande pas de changements structurels de l’appareil productif et pourrait diminuer le réchauffement de 0,5°C par rapport aux projections. Pas besoin de percée technologique, il suffit de contraindre les compagnies à réaliser les investissements nécessaires. Mais c’est précisément là que le bât blesse : on ne peut pas contraindre les capitalistes, on peut seulement les inciter par des mécanismes de marché. C’est la doxa néolibérale, inscrite dans l’Accord de Paris. Nous allons voir que Glasgow exclut plus que jamais d’y déroger.

Méthane et déforestation : à la recherche du temps gaspillé ?

La presse a beaucoup parlé de « l’accord sur le méthane ». A la COP, plus de 100 pays ont en effet promis de diminuer leurs émissions de 30% d’ici 2030. Si c’était le cas, le réchauffement en 2050 baisserait de 0,2°C par rapport aux projections (moins de la moitié du potentiel…). Mais ce n’est qu’une déclaration d’intention. Il n’y a pas de quotas par pays, pas de fonds de financement pour les pays du Sud, pas de sanction pour non-conformité… Les Etats-Unis, l’UE et le Canada semblent disposés à agir, c’est vrai, et on comprend pourquoi: hormis les Trump, les responsables capitalistes commencent à paniquer. Limiter le méthane est un moyen d’action assez facile. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres : la Chine et la Russie n’ont pas signé le texte de Glasgow. On comprend pourquoi aussi : ce sont deux gros émetteurs. Leur absence servira évidemment de prétexte aux capitalistes d’autres pays pour faire de la résistance. Du coup, il est douteux qu’on leur impose quoi que ce soit. On jouera plutôt sur les incitations et les taxes, en espérant que le coût des investissements passera au-dessous du prix du gaz économisé. Les classes populaires paieront la facture.

La déforestation pose le même genre de dilemme. Ce serait un autre moyen de récupérer un peu du temps gaspillé depuis Rio (1992), sans toucher à la structure de l’appareil productif. A Glasgow, 131 pays ont promis d’investir 12 milliards de dollars dans une Global Forest Finance Pledge (GFFP). Ambition : « arrêter et renverser la perte de forêt » (forest loss) d’ici 2030 [15]. Cette promesse ressemble comme deux gouttes d’eau à celle qui a été faite à New York en 2014 : fin de la déforestation en 2030, 50% de réduction en 2020. En 2015-2017, les taux de déforestation montaient de 41% ! Certains se réjouissent car la GFFP est signée par le Brésil et la Russie, de sorte plus de 90% des forêts de la Terre sont concernées. Mais ce n’est pas un gage d’efficacité. Ni surtout de justice pour les peuples indigènes (dont la GFFP reconnaît les droits et les mérites avec emphase – mais seulement en paroles).

Pour ce qui est de l’efficacité, il faut savoir que l’expression « arrêter et renverser la perte de forêts » (forest loss) n’est pas aussi univoque qu’elle en a l’air. Pour certains, supprimer une forêt ne constitue PAS une « perte de forêt »… si le terrain ne sert pas ensuite aux activités d’autres secteurs économiques. Etrange dialectique: on peut raser une forêt sans « forest loss » si c’est pour produire, en monoculture industrielle, des « crédits de carbone », des pellets, du charbon de bois ou de l’huile de palme. C’est l’interprétation de l’Indonésie. Elle abrite un des trois grands massifs de forêt tropicale. Il est rasé progressivement pour planter des palmiers. Il y avait un moratoire mais, deux mois avant la COP, Djakarta a refusé de le prolonger. La représentante indonésienne à Glasgow a signé le « stop forest loss », puis dit ceci : « forcer l’Indonésie à atteindre zéro déforestation en 2030 est clairement inapproprié et injuste » car « le développement ne doit pas être arrêté au nom des émissions de carbone ou de la déforestation ». Stop forest loss, yes – stop deforestation, no… Pour ce qui est des peuples indigènes, le cas du Brésil parle de lui-même : faut-il vraiment expliquer pourquoi la signature du GFFP par le fasciste Bolsonaro, qui a déclaré la guerre à la forêt amazonienne et aux peuples qui y vivent, n’a rigoureusement aucune crédibilité ? [16]

Derrière les promesses en l’air, le pouvoir souverain du Dieu Marché

Le ciel de la COP a été truffé d’accords de ce type: sur la sortie du charbon, sur les voitures électriques, sur l’arrêt des investissements hors frontières dans les énergies fossiles, ou sur l’arrêt des investissements dans les énergies fossiles sur le territoire national. Quelques pays ont même annoncé fièrement leur intention de verdir leur défense afin de « réduire son empreinte écologique, notamment dans le domaine énergétique » [17]. Il est parfois dommage que le ridicule ne tue pas – à la différence des armées.

Tous ces « accords » sont des promesses en l’air. Sans caractère contraignant, sans mesures concrètes, sans engagements par pays, sans pénalités en cas de non-respect. A quoi ça sert ? Une part de la réponse est que les gouvernements profitent des projecteurs braqués sur la COP pour se donner une image verte et plaire à leur opinion publique sans nuire aux intérêts des capitalistes… [18] Mais cela renvoie à une explication: les promesses en l’air sont au diapason de l’idéologie néolibérale qui, en fin de compte, ne connaît qu’un seul décideur : le Marché, c’est-à-dire le profit, c’est-à-dire une minorité d’actionnaires.

Charbon et autres fossiles : un message très clair

Les tribulations du passage de l’accord de Glasgow sur le charbon et les autres fossiles sont très éclairantes. Première version (inspirée par le rapport de l’AIE !) : la COP « appelle les parties à accélérer la sortie du charbon et la fin des subsides aux combustibles fossiles ». Odeur de contrainte étatique tout à fait insupportable… Deuxième version : la COP « appelle les parties à accélérer le développement, le déploiement, et la dissémination des technologies ainsi que l’adoption de politiques de transition vers des systèmes énergétiques bas carbone, y compris en augmentant la part de la production d’électricité propre et en accélérant la sortie de la production d’électricité par le charbon sans abattement (unabated) ainsi que la sortie des subsides inefficients aux combustibles fossiles » (ma traduction, DT). L’air devient respirable, mais il est encore question de « sortie » du charbon et de « sortie » des subsides aux fossiles. Troisième version : suite à une intervention de la délégation indienne, en pleine assemblée de ratification du texte, « en accélérant la sortie » est remplacé par « en accélérant les efforts vers la diminution ».

Il faut dénoncer le rôle du gouvernement Modi. Mais il est évident que l’Inde a agi non seulement pour toute la planète charbon, mais aussi pour toute la planète fossile [19], et avec le soutien de tous les porte-flingue capitalistes. Ceux-ci étaient très nombreux à la COP pour veiller, comme disait un grand patron finlandais, à ce que la Conférence « mise sur la croissance verte plutôt que sur la régulation, la limitation et la taxation » [20].

Techniquement, la portée de l’article sur les fossiles n’est pas très précise. « L’abattement des émissions»  est une notion floue. Selon l’OCDE, « l’abattement réfère à une technologie appliquée ou à une mesure prise pour réduire la pollution et/ou son impact sur l’environnement ». Selon le G7, « la production d’électricité au charbon sans abattement désigne l’utilisation de charbon qui n’est pas atténuée (sic) par des technologies permettant de réduire les émissions de CO2, telles que la capture du carbone avec utilisation et stockage » [21]. Ces définitions pourraient ouvrir aux capitalistes des possibilités plus larges que la capture-stockage géologique du CO2 (CCS), qui est très coûteuse. D’une part, la capture avec utilisation (CCU), où le CO2 des centrales fossiles est utilisé dans d’autres industries pour fabriquer des marchandises. D’où le gaz finira par s’échapper… parfois très rapidement (exemple des boissons pétillantes). D’autre part, si les gouvernements considèrent les absorptions de CO2 par les forêts comme des réductions d’émissions (on verra plus loin que les Etats-Unis et l’UE font justement cet amalgame !), alors l’abattement pourrait consister simplement à… planter des arbres.

Politiquement, par contre, le message est limpide. En substance, les magnats de l’énergie disent aux gouvernements, et aux peuples :

1°) Cessez de rêver de sortie des fossiles, ce qui compte, c’est le développement des technologies « vertes » ;

2°) Ne vous mêlez pas de nous empêcher d’exploiter nos mines de charbon et d’en ouvrir de nouvelles, nous sommes déjà bien bons d’accepter des systèmes pour diminuer l’impact du CO2 ;

3°) Ne vous mêlez pas de nous imposer une proportion minimale d’émissions à « abattre », ou une méthode d’abattement plutôt qu’une autre ;

4°) Si vous voulez vraiment couper dans les subsides aux fossiles, coupez dans les subsides « inefficients », qui ne contribuent pas à créer de la plus-value [22]. Voilà le message que « nos » gouvernements ont ratifié à Glasgow, sans même avoir été consultés sur son contenu final. C’est un véritable coup de force fossile.

Ruée sur la « neutralité carbone en 2050 »

Le pouvoir souverain du Marché – c’est-à-dire du profit, c’est-à-dire des actionnaires – s’exprime non seulement dans les « accords », mais aussi dans la ruée des gouvernements sur l’objectif de la « neutralité carbone en 2050 » (aussi dit « zéro émission nette »). Union européenne, Etats-Unis, Afrique du Sud, Brésil, Russie, Japon, Arabie saoudite…: tout le monde y est allé de sa « stratégie ». Plus Glasgow se rapprochait, plus les promesses de « zéro carbone net en 2050 » se multipliaient… et plus ces promesses consistaient en fait à remplacer les réductions d’émissions à court terme par d’hypothétiques absorptions de carbone à long terme. Tout en criant bien fort qu’ils visaient la « neutralité carbone » en 205 0[23], certains gouvernements remettaient une NDC inchangée, voire inférieure à celle de 2015 ! [24] Tout est bon pour noyer le poisson.

Climate Action Tracker (CAT) a remis les pendules l’heure en distinguant les politiques climatiques effectivement menées, les NDC rehaussées, les promesses faites à la COP et les stratégies de « neutralité carbone en 2050 » [25]. On la dit au début de cet article: sur base des politiques menées, la hausse de température moyenne sera de 2,7°C d’ici 2100 (fourchette : de +2 à +3,6°C). Le bilan ne s’améliore pas en ajoutant les accords et les stratégies de « net zéro », au contraire. Globalement, « aucun pays n’a mis en place de politiques de court terme suffisantes pour se mettre lui-même sur la trajectoire qui mène au net zéro ».

Cette conclusion générale se décline comme suit :

  • avec les objectifs 2030, en supposant leur concrétisation, la projection est de +2,4 (fourchette: de +1,9 à +3°C) ;
  • avec les objectifs 2030 et les promesses faites durant la COP, en supposant concrétisation, la projection est de +2,1 (fourchette: +1,7 à +2,6°C) ;
  • avec en plus les promesses de « neutralité carbone » en 2050 (« Scénario optimiste ? », selon le rapport…), la projection est de +1,8 (fourchette de +1,5 à +2,4°C). « Ce scénario n’est pas compatible avec l’Accord de Paris » car il « n’exclut pas un réchauffement de +2,4°C ».

Climate Action Tracker a évalué de plus près les stratégies de « neutralité en 2050 » [26]. Les chercheurs ont choisi dix paramètres et adopté un code de couleur (du bon au mauvais: vert, orange, rouge). Conclusions : les stratégies du Chili, du Costa Rica, de l’Union européenne et du Royaume-Uni sont « acceptables » ; celles de l’Allemagne, du Canada, des Etats-Unis et de la Corée du Sud sont « moyennes » ; celles du Japon, de la Chine, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande sont « pauvres » ; toutes les autres sont « incomplètes » (notamment Brésil, Afrique du Sud, Russie, Arabie saoudite…). Il est clair que la majorité des gouvernements ont sauté dans le train de la « neutralité carbone » afin de se peindre en vert et de passer inaperçus à Glasgow.

L’évaluation des stratégies des pays développés et de la Chine vaut qu’on s’y arrête. L’UE est dans le rouge sur deux paramètres : engagement à l’équité sans clarté, et pas de distinction entre absorptions et réductions d’émissions. L’Allemagne est deux fois dans l’orange et trois fois dans le rouge : son « zéro net » ne couvre pas les émissions du transport aérien et maritime international, et elle n’exclut pas la « compensation carbone » hors des frontières nationales. Mêmes points rouges pour les Etats-Unis qui, en plus, amalgament absorption et réduction, et dont l’engagement à l’équité manque de clarté (on ne se refait pas !). Quant à la Chine, elle est dans le rouge sur six paramètres et dans l’orange sur trois autres.

Cette analyse confirme entièrement les dénonciations des écosocialistes et autres activistes : quand elles ne sont pas inexistantes ou complètement creuses, les stratégies « zéro carbone net en 2050 » sont incomplètes et, dans le meilleur des cas, profondément biaisées. Tout ce blablabla sur le « zéro carbone net » n’a servi qu’à renvoyer aux calendes grecques la plus grande partie des 19 à 23 Gt CO2-équivalent dont l’élimination dans les huit années qui viennent déterminera la possibilité – ou pas – de ne pas (trop) dépasser 1,5°C de réchauffement. En clair, c’est de l’arnaque, et la cause de cette arnaque est claire comme de l’eau de roche : évitons toute contrainte, toute régulation, toute planification.

Ne décidons rien, fondons le Marché qui décidera

Le 5e rapport d’évaluation du GIEC disait explicitement ceci : « Les modèles climatiques supposent des marchés qui fonctionnent pleinement et des comportements de marché concurrentiels » [27]. Cette supposition présuppose à son tour la création d’un marché doté d’instruments de marché. Paris, en son Article 6, avait adopté le principe d’un « Nouveau mécanisme de marché » pour prendre le relais global des mécanismes du Protocole de Kyoto. Toute une série de conflits inter-capitalistes ont empêché la concrétisation de ce principe à la COP25 (Madrid), qui a échoué sur cette question. Mais alléluia, Glasgow a dégagé un accord. Toutes les parties (Etats, régions, entreprises) pourront échanger des droits de polluer. Ceux-ci pourront être générés en n’importe quel point de la planète par des investissements « propres », des plantations d’arbres, la conservation des forêts existantes, la capture-séquestration (CCS) et la capture-utilisation (CCU) du CO2.

Parmi les conflits à trancher : comment éviter que les droits d’émission soient comptabilisés deux fois (par le vendeur et par l’acheteur) ? Les droits générés dans le cadre de Kyoto seront-ils convertibles dans le nouveau système (la majorité de ces droits ne correspondent pas à des réductions réelles des émissions) ? Le commerce des droits sera-t-il taxé pour aider les pays du Sud global à faire face aux « pertes et dommages » qu’ils subissent du fait du réchauffement ? [28] La place manque pour examiner tout cela dans le détail. D’une manière générale, « les mécanismes de l’Article 6 créent tellement de tours de passe-passe significatifs qu’ils pourraient éliminer toute opportunité existant encore d’amener le monde sur la trajectoire du 1,5°C » [29]. Les décisions prises par la COP pourraient ne pas suffire à éviter le double comptage. Le compromis dégagé sur les anciens droits – ceux qui ont été générés en 2013 et après seront convertibles – est une victoire pour les marchands d’air chaud (« Hot air », les fausses réductions). En particulier au Brésil de Bolsonaro, qui en possède beaucoup.

Une prochaine étape consistera à dresser la liste des investissements propres, générateurs de droits. La liste de l’Union européenne (« Taxonomie », dans le jargon) sera fixée d’ici la fin de l’année. L’enjeu est majeur : la « taxonomie » ouvrira la voie à la finance verte. Question en suspens : le nucléaire en fera-t-il partie ? Le définir comme « énergie durable » serait un non-sens absolu. La seule chose durable, dans cette technologie, sont les déchets dont personne ne sait que faire. Ils pollueront l’environnement pendant des dizaines de milliers d’années, voire plus. Mais… le marché est fantastique. La Chine, par exemple, programme la construction de 150 réacteurs. Du point de vue capitaliste, qui fait tout voir à l’envers (comme disait Marx), le non-sens absolu serait de passer à côté de ce pactole… source de profits « durables ». Emmenés par la France, dix pays militent pour que le nucléaire soit inclus dans la Taxonomie. Cinq autres s’y opposent, dont l’Allemagne. Qui l’emportera ? Suspense jusqu’à la décision… [30]

Finance climatique : pauvres, tâchez d’être attractifs pour les investisseurs !

Le comble de cette logique criminelle est atteint quand on aborde le thème de la « finance climatique ». Il comporte deux volets : flux publics et flux privés. Le premier se subdivise à son tour en deux sous-volets: Fonds vert et indemnisation pour les « loss and damages ». A la COP, l’ensemble a fait l’objet d’une journée de plénière : Welcome to the Finance Day!

A propos du Fonds vert, le chancelier de l’Echiquier Rishi Sunak (ministre des Finances britannique) a dit en substance ceci : OK, le Nord n’a pas honoré sa promesse. Désolé pour cela. Mais nous sommes à 80 milliards, nous arriverons à cent à partir de 2023, nous dépasserons alors l’objectif et cela rattrapera le manque des années précédentes. Ce gentleman n’a pas dit qu’il n’y a que 20 milliards de dons dans le Fonds vert. Le reste, ce sont des prêts. L’accord promet de doubler le financement de l’adaptation au réchauffement à partir de 2025, mais sans garantie. Un comité des Nations unies fera rapport l’an prochain sur les progrès accomplis vers les 100 milliards de dollars/an. On retiendra surtout que le Sud est menacé d’une nouvelle spirale d’endettement.

La question des pertes et dommages est encore plus explosive, et de loin. Prenons l’exemple de la Somalie. Elle a contribué à 0,00026% du changement climatique historique… mais subit des sécheresses à répétition, clairement imputables au réchauffement. En 2020, 2,9 millions de personnes souffraient d’insécurité alimentaire sévère. L’aide internationale est très insuffisante. Le Kenya, l’Ethiopie, le Soudan, l’Ouganda vivent le même drame [31]. Qui va payer ? Et qui paiera pour les catastrophes à venir ? L’ONG Christian Aid estime que, à politique inchangée, le changement climatique fera chuter le PIB des pays les plus pauvres de -19,6% d’ici 2050 et de -63,9% en moyenne annuelle d’ici 2100. En cas de limitation à 1,5°C, ces chiffres seraient respectivement de -13,1% et de -33,1% [32]. La facture des pertes et dommages se montera rapidement à plusieurs milliers de milliards. Le principe d’un financement par les pays riches est inscrit dans la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, mais les gouvernements impérialistes refusent de le respecter. C’est « non », point à la ligne.

La solution miracle est censée venir de la finance privée. Mark Carney, ancien de Goldman Sachs, ex-directeur de la Banque d’Angleterre, président du Finance Stability Board du G20, a été désigné par l’ONU comme « envoyé spécial » chargé de la finance climatique. Juste avant la COP, il a rassemblé plusieurs composantes de la « finance verte » dans la Glasgow Finance Alliance for Net Zéro (GFanz). La GFanz est dirigée par 19 PDG de grandes sociétés financières, dont Brian Moynihan de Bank of America, Larry Fink de BlackRock, Jane Fraser de Citigroup, Noel Quinn de HSBC, Ana Botín de Santander et Amanda Blanc d’Aviva [UBS et Credit Suisse participent à GFanz]. Son but est de fournir « un forum dirigé par des praticiens permettant aux sociétés financières de collaborer sur des questions de fond et transversales qui accéléreront l’alignement des activités de financement avec le zéro net et soutiendront les efforts de toutes les entreprises, organisations et pays pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris » [33].

A la COP, la GFanz était la grande vedette du « Finance Day ». Le consortium pèse 130 000 milliards de dollars. Dithyrambique, le chancelier de l’Echiquier a tenté de bluffer tout le monde en exaltant ce « mur de capital historique », prêt à voler au secours de la planète et de son climat. Traduction : prêt à financer les investissements « propres », le charbon propre, l’hydrogène vert, les plantations d’arbres, la conservation des forêts existantes, la capture-séquestration (CCS), la capture-utilisation (CCU) du CO2. Toutes les formes de greenwashing sont bienvenues, pourvu que ça rapporte. Car les conditions sont assez claires : « Pour faire cela, les investisseurs ont besoin d’autant de clarté que dans les mesures financières traditionnelles des profits et des pertes » [34]. Pauvres, tâchez d’être attractifs pour les investisseurs…

L’ONG Reclaim Finance a arraché le masque vert de ces financiers. En vrac : ce qui sert de référence à GFanz (les critères Race to Zéro de l’ONU) ne mentionne par les fossiles ; les membres de l’Alliance ne sont pas tenus de réduire leurs émissions indirectes (émissions dites « Scope 3 » qui représentent 88% environ des émissions du secteur fossile); ils ne sont pas tenus à des réductions absolues, des réduction relatives (baisse de l’intensité carbone) suffisent ; aucun des partenaires de GFanz ne bannit ou ne limite le recours à la compensation; à la mi-octobre 2021, 34 des 58 membres de l’Asset Owner Alliance (une des composantes de GFanz) ne mettaient aucune restriction à l’investissement dans les fossiles… [35]

Quelques mois avant la COP21, François Hollande ouvrait à Paris le sommet des entreprises sur le climat en déclarant ceci : « Les entreprises sont essentielles parce que ce sont elles qui vont traduire, à travers les engagements qui seront pris, les mutations qui seront nécessaires : l’efficacité énergétique, la montée des énergies renouvelables, la capacité de se transporter avec une mobilité qui ne soit pas consommatrice d’énergie [sic !], le stockage d’énergie, le mode de construction des habitats, l’organisation des villes, et également la participation à la transition, à l’adaptation des pays qui sont en développement » [36]

On ne peut que recopier ici l’interprétation de cette déclaration dans Trop tard pour être pessimistes : « Bien-aimé·es capitalistes, nous, les politiques, vous offrons la planète, les villes et les forêts, les sols et les océans, nous vous offrons même le marché de l’adaptation des pays du Sud à la catastrophe que vous leur imposez ; tout est à vous, prenez-le: tel est le message. » [37]

Du point de vue du capital, il est faux de dire que la COP26 est du blablabla. C’est plutôt une monstrueuse apothéose de néolibéralisme. Ce sommet a fait un pas en avant significatif sur la voie de marchandisation totale de la Terre, de ses écosystèmes et de ses habitant·e·s. Au profit de la finance, et sur le dos des peuples.

En guise de conclusion

Les responsables politiques le reconnaissent tous et toutes (ou presque) : l’urgence est maximale, le risque est incommensurable, il n’y a pas un instant à perdre. Et pourtant, de COP en COP, en dépit de l’éclairage par « la meilleure Science », le temps de la riposte est gaspillé et la marche à l’abîme s’accélère. Cette réalité aberrante, hallucinante et effrayante ne découle ni de l’imbécillité de tel ou telle responsable, ni du complot de forces occultes : elle découle des lois fondamentales du Capitalisme, et ces lois corrompent aussi la « meilleure Science ». Basé sur la concurrence pour le profit, ce mode de production oblige des millions de capitalistes, sous peine de mort économique, à prendre à chaque instant des millions de décisions d’investissement qui visent à augmenter la productivité du travail par des machines. La baisse du taux de profit qui en résulte tendanciellement est compensée par une augmentation de la masse de marchandises produites, une augmentation de l’exploitation de la force de travail, et une augmentation de l’exploitation des autres ressources naturelles. Ce système fonctionne comme un automate hors de tout contrôle. Il porte en lui, comme la nuée l’orage, non seulement la guerre – comme disait Jaurès –, mais aussi un potentiel de développement illimité, de croissance illimitée des inégalités et d’aggravation illimitée des destructions écologiques.

Il faut le répéter avec force : il y a un antagonisme insurmontable entre la prolongation de ce système et la sauvegarde de la planète comme environnement propice à la vie et à l’humanité. Dès lors, comme Lénine face au déclenchement de la guerre en 1914, il faut, pour commencer, et indépendamment des rapports de forces, oser poser clairement le diagnostic : la situation est « objectivement révolutionnaire».  Avec la COP de Glasgow s’ouvre un bref cycle d’avertissements de plus en plus pressants: soit la convergence des mobilisations sociales permettra de commencer à combler l’énorme fossé entre cette situation objective et le niveau de conscience et d’organisation des exploité·e·s et opprimé·e·s (le « facteur subjectif »), soit l’automate nous enfoncera toujours plus profondément dans une barbarie d’une ampleur sans précédent. 

Daniel Tanuro

http://alencontre.org/laune/apotheose-neoliberale-la-cop26-fonde-le-marche-mondial-de-lincendie-et-loffre-aux-incendiaires-capitalistes-au-detriment-des-peuples.html

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article60202


[1] Promesse faite lors de la COP de Cancun (2010).

[2] https://www.ipcc.ch/sr15/

[3] https://www.pnas.org/content/115/33/8252

[4] IEA, «Net Zero in 2050. A Roadmap for the Energy Sector», https://www.iea.org/reports/net-zero-by-2050

[5] Gigatonnes de gaz à effet de serre calculées en faisant comme si tous ces gaz étaient du CO2.

[6] «Glasgow’s 2030 credibility gap», https://climateactiontracker.org/publications/glasgows-2030-credibility-gap-net-zeros-lip-service-to-climate-action/

[7] https://www.youtube.com/watch?v=iW4fPXzX1S0

[8] «COP26: oil price soars even as the world turns against fossil fuel», Financial Times, 4/11/2021.

[9] Daniel Tanuro, Trop tard pour être pessimistes. Ecosocialisme ou effondrement, Textuel, Paris, 2020.

[10] https://ozone.unep.org/treaties/montreal-protocol-substances-deplete-ozone-layer/text

[11] https://public.wmo.int/en/media/news/scientific-assessment-confirms-start-of-recovery-of-ozone-layer

[12] Le pouvoir radiatif d’un gaz est sa capacité d’absorber et de rayonner les infrarouges émis par la Terre et de contribuer ainsi à l’effet de serre qui rend la planète propice à la vie.

[13] Daniel Tanuro, « L’accord de Kigali sur le climat: de l’arbre des HFC à la forêt du CO2 », Politique la revue,http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article39236

[14] A court terme, le pouvoir radiatif du méthane est 80 fois supérieur à celui du CO2. Mais le méthane est rapidement éliminé de l’atmosphère (par réaction chimique avec l’oxygène). Sur cent ans, on estime que son pouvoir radiatif vaut 30 fois celui du CO2.

[15] https://ukcop26.org/the-global-forest-finance-pledge/

[16] «Will the COP26 global deforestation pledge really save forests?», Kieran Mulvaney, National Geographic, 5/11/2021.

[17] https://www.dhnet.be/actu/monde/vingt-deux-pays-dont-la-belgique-s-engagent-a-cooperer-pour-adapter-leurs-armees-au-changement-climatique-618e96749978e25ff06207d9?

[18] Exemple : la France s’enorgueillit de rejoindre la coalition Beyond Gas and Petrol (BOGA). Avec onze autres pays (très peu producteurs), elle promet de ne plus extraire de pétrole ou de gaz… sur son territoire. Elle s’abstient par contre de la coalition entre la Grande-Bretagne et d’autres, qui promettent de ne plus mettre d’argent public hors frontières dans des installations fossiles sans abattement. L’absence de la France de la seconde coalition, et celle de la Grande-Bretagne de la première, s’éclairent à la lumière des liens entre Paris et Total, d’une part, et des intérêts fossiles de Londres en Mer du Nord, d’autre part.

[19] Voir l’enquête de Global Witness sur les centaines de porte-flingue des fossiles présents à la COP https://www.globalwitness.org/en/press-releases/hundreds-fossil-fuel-lobbyists-flooding-cop26-climate-talks/ Lire aussi «In Glasgow, COP26 Negotiators Do Little to Cut Emissions, but Allow Oil and Gas Executives to Rest Easy», Climate News, 12/11/2021: «Des représentants de Royal Dutch Shell et Chevron ont participé sous les bannières de délégations nationales ou de groupes industriels. L’Arabie saoudite et d’autres pétro-Etats ont amené des délégués de leurs sociétés pétrolières. La délégation canadienne comprenait un représentant de Suncor, un des principaux producteurs de sables bitumineux du pays.»

[20] Financial Times, 11/11/2021

[21] https://www.e3g.org/news/explained-what-does-unabated-coal-mean/

[22] Le subside public au mazout de chauffage qui existe en Belgique, par exemple, est tout a fait « inefficient »…

[23] 2060 pour la Chine, 2070 pour l’Inde.

[24] Carbon Action Tracker, op. cit.

[25] Climate Action Tracker, «Glasgow’s 2030 credibility gap: net zero’s lip service to climate action. Wave of net zero emission goals not matched by action on the ground», https://climateactiontracker.org/publications/glasgows-2030-credibility-gap-net-zeros-lip-service-to-climate-action/

[26] Climate Action Tracker, «Net zero target evaluations», https://climateactiontracker.org/global/cat-net-zero-target-evaluations/

[27] AR5, GT3, Chap 6, p. 422

[28] Financial Times, 11/11/2021.

[29] Communiqué de CLARA (Climate Land Ambition and Rights Alliance), https://globalforestcoalition.org/climate-land-ambition-and-rights-alliance-statement-on-closing-of-cop-26/

[30] https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/cop26/cop26-cinq-pays-europeens-denoncent-le-classement-par-l-ue-du-nucleaire-comme-investissement-vert_4841371.html?fbclid=IwAR0rbRHrB9DGy-XHuKowtvAUWzXNETVmmT3fnxX_eajhROQVTn01dtkcnvY

[31] https://www.oxfam.org/fr/changement-climatique-cinq-catastrophes- naturelles-qui-demandent-une-action-durgence

[32] https://mediacentre.christianaid.org.uk/climate-change-could-cause-64-gdp-hit-to-worlds-vulnerable-countries/

[33] https://www.globalcapital.com/article/299y63wwjw04h50dqpds0/sri/gfanz-becomes-new-oversight-body-for-climate-finance

[34] https://inews.co.uk/news/politics/cop26-rishi-sunak-unveils-130-trillion-commitment-to-help-developing-nations-fight-climate-change-1281644

[35] https://reclaimfinance.org/site/wp-content/uploads/2021/11/FINAL_GFANZ_Report_02_11_21.pdf

[36] www.elysee.fr/declarations/article/discours-lors-de-l-ouverture-du-sommet- des-entreprises-pour-le-climat-unesco/

[37] Op. cit.

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La lutte pour le climat est aussi la lutte contre le productivisme !

COP 26 : la honte, au regard de l’urgence !

Les COP passent et se ressemblent. Le rapport du GIEC qui venait pourtant de sortir et qui aurait dû pousser à l’action, une action immédiate, radicale, de rupture, ne se retrouve en rien dans les décisions qui sont sorties de la COP 26.

S’il faut noter la mention, pour la première fois dans une COP, des énergies fossiles et du charbon, les avancées de cette COP sont dérisoires et même un camouflet pour les pays les plus vulnérables, qui n’obtiennent même pas les 100 milliards qui leur était promis par les pays riches pour les dommages qu’ils subissent en raison du changement climatiques

L’arnaque des marchés du carbone et des mécanismes de compensation, véritables « droits à polluer », contribuant, par l’investissant dans des projets dits « de protection de l’environnement » à l’expulsion des populations autochtones de leurs terres ;

Suivent des engagements trompe-l’œil sur les énergies car non contraignants (sur la réduction du méthane, sans remise en cause de l’agriculture industrielle) ou permettant un échappatoire (l’engagement à ne plus financer d’énergies fossiles à l’international d’ici 2022 – sauf pour les projets qui ont des techniques de captage et de stockage de carbone !).

Le texte final lui-même n’a pas résisté à un alignement vers le bas, afin de déranger personne, au grand dam du président de la COP.

C’est ainsi, par la voie des (très) petits pas et des engagements non contraignants, que le réchauffement s’éloigne de l’objectif du 1,5°C. Depuis 1970, les émissions mondiales de GES se sont accrues de 80% et de 45% depuis 1990, année de référence. Et cela continue dans la dernière décennie, les émissions passant de 49 GtCO²eq en 2010 à 55,3 GtCO²eq en 2018. Et 26 COPs se sont écoulés…

Y aurait-il une force maligne qui empêcherait d’avancer ?

Dans les COP, on ne s’intéresse pas aux causes, ce qui conduirait à la critique de notre mode de développement. Mais, comme disait Mme Thatcher, « there is no alternative » (TINA) ! Dès lors, la seule question à se poser, c’est les moyens permettant de rendre « soutenable » la poursuite infernale de la croissance à laquelle nous condamne le capitalisme. On les cherche dans les technologies, dans le changement du mix énergétique, dans les mécanismes de compensation.

Pas touche à la mondialisation libérale, le climat passe après, disent-ils !

Quelques dates repères.

Le rapport du Club de Rome soulignait déjà en 1972 les limites de la croissance au regard des ressources limitées de la planète et déjà des conséquences sur le climat. Mais c’est seulement à la fin des années 1980 que le G7 a créé le GIEC, non sans l’arrière-pensée de contourner les milieux écologistes et de disposer d’un outil scientifique pour suivre le changement climatique. Le GIEC sort son premier rapport en 1990.

En 1992, le Sommet de la terre de Rio intronise le vocable de « développement durable » et adopte une convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). C’est ainsi que va se tenir à Berlin en 1995, sous l’égide des Nations Unies, la première Conférence des parties (COP), première d’une longue série.

Il faut noter que cette période coïncide avec le tournant libéral du capitalisme, entraîné par Reagan et Thatcher, avec la mondialisation qu’il va entraîner et l’éclatement des frontières économiques. On va l’appeler le « développement durable », qui doit concilier affaires, social et environnement.

Le rôle des COP n’est pas d’empêcher la croissance, mais d’en limiter les impacts sur le changement climatique, sans gêner le commerce et les mouvements de capitaux à la recherche des meilleures zones de profit.

Les COP ne sont pas contraignantes pour les Etats, elles n’interfèrent pas avec les traités de libre échange qui donnent un pouvoir croissant aux firmes transnationales par rapport aux Etats.

Cette période voit fleurir une multitude de traités régionaux, en vigueur ou encore en cours de discussion, (CETA, TAFTA, Mercosur …) qui ne se limitent pas à supprimer les barrières douanières, mais qui tendent à ligner vers le bas les normes sociales et environnement. Pis encore, les litiges entre les Etats et les entreprises sont jugés par des tribunaux privés, qui peuvent condamner les Etats à des amendes lourdes si leur politique va à l’encontre des intérêts de l’entreprise.

C’est le cas du Traité sur la charte de l’énergie (TCE), signé en 1994 par les pays européens qui permet à l’énergéticien allemand RWE de poursuivre les Pays-Bas au sujet de sa politique de sortie du charbon, arguant que cette décision lui ferait perdre plus d’un milliard d’euros.

D’un côté, des règles contraignantes, lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts du capital, de l’autre des engagements volontaires qui n’engagent personne.

Toujours plus, ou décroissance choisie, décidée collectivement ?

Il ne faut pas attendre grand-chose des COPs, ce sont des théâtres où se joue toujours la même pièce, la défense d’un système qui a fait son temps, car il fait face à une contradiction insurmontable : croître sans cesse dans un monde fini et donc aux ressources limitées. Deux siècles d’industrialisation à peine ont suffi pour modifier le climat et détruire une grande partie des écosystèmes vitaux.

Il est illusoire de penser que la science et la technologie apporteront la solution. On sait que dans notre système productiviste, les gains de productivité sont vite rattrapés par le consumérisme poussé par une publicité envahissante.

Ces changements impactent de plein fouet les sociétés humaines et les équilibres mondiaux, par la réduction des ressources alimentaires, les nouvelles pandémies, la montée des eaux, etc. qui vont entraîner des déplacements de population, à des échelles inconnues jusqu’ici.

Quand on voit l’Europe se transformer en forteresse face aux migrations, la montée de l’extrême-droite dans plusieurs pays, en France la droite rejoindre les positions de l’extrême-droite, au point de se demander si la campagne des présidentielles ne va pas se mener sur les seuls thèmes des migrations et de l’insécurité, il y a matière à s’inquiéter.

Lorsque le covid est venu bouleverser notre existence, nous avons lancé, avec d’autres, des appels à changer la vie, à abandonner ce qui est inutile ou superflu, à faire croître les biens et les services qui répondent aux vrais besoins.

Les Etats, qui ont partie liée avec les firmes transnationales, ne se posent pas ce genre de question.

Pourquoi ne pas lancer une initiative inspirée de la Convention citoyenne pour le climat, qui serait chargée, à travers des consultations très larges de la population, d’écrire ce que serait un avenir désirable, répondant à l’exigence de « justice climatique » et compatible avec les 1,5°C ? La dernière étude de NégaWatt apporte des éléments intéressants à cet égard.

L’avenir est à nous !

Oui, c’est aux peuples de s’en emparer de la question climatique, car le climat est un bien commun mondial. Le temps presse, et si le combat se mène dans chaque pays, l’ennemi est mondial, nous avons besoin d’allié.es, et la bataille sur le climat est aussi une bataille résolue contre les politiques colonialistes des Etats les plus riches – la France en particulier – et contre les firmes transnationales qui défendent les dictatures.

L’action individuelle et collective au niveau local est aussi essentielle. Le local, c’est l’échelle de base de la démocratie directe et de l’action sur le mode de vie. Cest le premier niveau pour se réapproprier la politique ainsi que la maîtrise de son travail par l’autogestion. Les listes « communalistes » constituées pour les dernières élections municipales montrent la voie, malgré le peu de réussites.

La sortie du capitalisme ne se fera que si nous abandonnons les cadres de pensée et les valeurs du passé et que nous parvenons à faire prévaloir notre vision du monde, c’est à dire gagner hégémonie, comme aurait dit Gramsci.

Cela peut paraître aujourd’hui plus dur que de franchir une montagne, et pourtant les choses changent. Face aux forces des ténèbres, les luttes dans le monde se multiplient : luttes paysannes contre les grands propriétaires fonciers ; résistance des peuples autochtones contre les activités minières ou pétrolières qui menacent leurs terres ancestrales ; mouvements des places dans plusieurs pays, gilets jaunes ; expériences communalistes ; réveil aussi du mouvement ouvrier à travers l’écosyndicalisme.

Ces luttes portent les valeurs de solidarité, de coopération, la fin des oppressions en tout genre, le plaisir d’agir ensemble, de se réapproprier sa propre vie, les valeurs du prochain monde.

Jean Lafont

Covid-19 : le cauchemar pandémique est un cauchemar politique

covid child source https://unsplash.com/photos/jYI7L4zLFkM

Historiquement, il n’y a qu’en temps de guerre que les États occidentaux ont eu temporairement le pouvoir de décision qu’ils détiennent aujourd’hui. 

Par Finn Andreen.

Le cauchemar de la crise sanitaire, qui depuis le début est un cauchemar aussi bien politique que médical, ne semble pas vouloir prendre fin. Le virus SARS-CoV-2 repart et le réflexe autoritaire du gouvernement français aussi, avec la dernière allocution de Macron du 9 novembre 2021. Malheureusement, ni l’un ni l’autre sont inattendus.

Le virus repart surtout en nombre de cas, ce qui ne devrait pas être un souci dans les pays comme la France où le taux de vaccination est déjà élevé chez les groupes à risques. La protection vaccinale contre les cas nécessitant soins intensifs reste statistiquement bonne ; les pays qui aujourd’hui souffrent d’une recrudescence de cas graves et de décès dûs au Covid-19 sont ceux ayant un faible taux de vaccination parmi les groupes à risques, comme en Russie.

Le réflexe autoritaire supposé lutter contre la pandémie s’exprime évidemment en France par le blanc-seing à l’exécutif de prolonger le pass sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022 et de le rendre désormais dépendant de doses supplémentaires de vaccin.

Cette situation est évidemment une inacceptable énième atteinte aux libertés individuelles des Français déjà au préalable bien entamées par un interventionnisme étatique extrême. Pour un libéral, l’opposition au pass sanitaire est donc une évidence, même avant l’allocution paternaliste de Macron du 12 juillet 2021 annoncant le lancement du pass.

POURQUOI IL FAUT CONTINUER À S’OPPOSER AU PASS SANITAIRE

Aujourd’hui, il est parfaitement sensé de maintenir cette opposition car sans même évoquer l’argument moral de liberté politique ni celui de son coût économique pour la société, trois arguments épidémiologiques le disqualifient :

La transmission avérée des vaccinés

On sait que les personnes vaccinées transmettent également le virus, même si dans une moindre mesure. Il est alors évidemment injuste que les personnes non vaccinées n’aient pas les mêmes droits, et ce d’autant plus que le niveau de transmission dépend de nombreux facteurs individuels.

La rapide réduction de l’efficacité 

La forte chute de l’efficacité des vaccins anti-covid sur une période de seulement quelques mois a été démontrée par plusieurs récentes études, notamment en Suède sur un million d’individus, aux États-Unis et en Israël, qui de ce fait a anticipé la décision de Macron relative aux injections de rappel.

De surcroît, l’efficacité des vaccins contre le variant Delta est bien plus faible que pour les variants précédents. Donc, si un pass sanitaire pourrait éventuellement dans cette logique se justifier avec les variants antérieurs, ce n’est pas le cas depuis l’arrivée du variant Delta. Et quels seront les variants inconnus encore plus contagieux qui vont suivre ?

Les effets secondaires non négligeables

L’ANSM et la VAERS aux États-Unis indiquent que le taux d’effets secondaires graves, même s’ils restent peu probables, sont bien plus élevés pour ces vaccins anti-covid que pour des vaccins habituels. De plus, les dernières fuites d’information publiées par la British Medical Journal concernant des sérieuses irrégularités dans les phases de tests du vaccin Pfizer (le Pfizergate) n’aident pas à calmer les esprits.

Pour rappel, même sans ces trois arguments de nature épidémiologique, le pass sanitaire doit être disqualifié en tant que mesure anti-libérale incompatible avec le premier article de la Déclaration de l’Homme et du Citoyen de 1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. »

Il ne s’agit pas de s’opposer aux vaccins si on fait partie des groupes à risques. Mais étant donné ces trois arguments, comment justifier un pass sanitaire qui discrimine ceux qui choisissent de ne pas être vaccinés, en les empêchant de vivre normalement ? Et c’est bien là le but sous-jacent, rendre la vie insupportable aux irréductibles non vaccinés. Macron l’a dit dans son allocution du 9 novembre 2021 : « Vaccinez-vous pour pouvoir vivre normalement ».

Évidemment, comme il vient de l’annoncer, le pass sanitaire sera dépendant des injections supplémentaires de vaccin, ce qui évidemment fera l’affaire des laboratoires. Au lieu de cette fuite en avant, il serait grand temps pour le gouvernement d’abandonner la folie de ce pass sanitaire.

L’ÉTERNELLE QUESTION DU POLITICIEN : « QUE FAIRE ? »

Les autorités ne semblent pas vouloir accepter qu’il est impossible de mettre fin à la progression de ce virus. Comme Lénine, le politicien se demande constamment « Que faire », car il ressent toujours la nécessité d’agir ou du moins d’en avoir l’apparence.

Mais dans cette ambition d’action politique qui le démange, le politicien est freiné par son propre intérêt politique, son manque d’intérêt sincère pour le grand public, et l’incompétence bureaucratique de l’État.

Malgré ces obstacles significatifs, pendant la pandémie, la volonté du politique a été et reste celle de prévenir et de guérir la société tout entière, avec des résultats calamiteux qui ne devraient donc surprendre personne.

Étant donné leurs positions de pouvoir, il serait évidemment souhaitable qu’au même titre que les médecins, les dirigeants politiques se sentent moralement liés par le serment d’Hippocrate, c’est-à-dire, avant tout de ne pas nuire… à la société. Même si des exceptions existent, il serait naïf de s’attendre à une telle conviction généralisée, compte tenu des traits bien connus de la classe dirigeante, quel que soit le régime politique.

Pis encore, prêter le serment de ne pas faire du mal n’est pas suffisant pour le politique car ces décisions entraînent généralement des conséquences imprévues. Même celui qui pense bien faire n’est pas à l’abri de cette éventualité de nuisance, ces fameuses externalités de l’action politique expliquées et dénoncées régulièrement par les libéraux.

Pour qu’un politicien ne nuise pas, il faudrait donc qu’il s’abstienne d’agir la plupart du temps.

QUEL DOIT ÊTRE LE RÔLE DE L’ÉTAT ?

Même l’étatiste le plus aguerri doit admettre que le rôle de l’État a évolué. Historiquement, il n’y a qu’en temps de guerre que les États occidentaux ont eu temporairement le pouvoir de décision qu’ils détiennent aujourd’hui.

La situation actuelle est donc sans précédent. En France elle est aggravée par la verticalité du pouvoir régi par la Constitution de la Cinquième République.

Est-ce que la société souhaite réellement une situation où l’État dirige et influence en permanence la vie de chacun dans ses moindres détails, en permettant, obligeant et interdisant ? Depuis bientôt deux années, le cauchemar de la gestion politique de la pandémie est directement concernée par la réponse à cette question.

À aucun moment les électeurs ont voté pour laisser leurs gouvernements implémenter une réponse totale à cette pandémie : sanitaire, légale, financière, économique et logistique.

Plus généralement, le maintien de cette réponse totale montre que dans les démocraties l’instinct autoritaire sévit toujours sous la surface. Cet instinct s’était déjà exprimé avec les prorogations successives de l’état d’urgence terroriste, il s’exprime aujourd’hui avec la gestion de la pandémie, et s’exprimera vraisemblablement dans le futur au sujet du climat.

En effet, il commence à devenir évident que la pandémie, tout comme le climat, sont devenus d’excellents prétextes pour chercher à augmenter le pouvoir de l’État et renforcer le contrôle des populations à cette époque où l’information est libre et facile d’accès. Mais jusqu’à quand ?

Peut-être que la gestion étatique de la pandémie aura alors l’avantage d’inciter une plus grande partie de la population à remettre en question le rôle de l’État dans la vie de tous. Aujourd’hui, cette remise en question se traduit concrètement par un refus d’accepter ce pass sanitaire que le gouvernement continue à vouloir imposer.

La disparition du cash à l’agenda de la COP26

Boris Johnson by BackBoris2012 Campaign Team (Creative Commons CC BY-ND 2.0)

À l’ouverture de la COP26, Boris Johnson a déclaré vouloir mettre à l’ordre du jour des mesures concernant le charbon, l’automobile, l’usage des espèces et les arbres. Un bizarre ordre du jour, lourd de menaces pour nos libertés.

La COP26 doit être le moment où nous préparons un meilleur futur, indique la promotion de cet événement.

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« Je demanderai aux dirigeants de ce monde de prendre des mesures concernant le charbon, les automobiles, le cash et les arbres pour maintenir en vie la perspective de limiter la croissance de la température mondiale à 1,5 °C » 

Bigre ! Boris Johnson a intérêt à avoir son petit thermomètre mondial à portée de main et bien affûté dans les années à venir… Mais que viennent donc faire les paiements en espèces dans cet inventaire ? Logiquement, rien. Bon, si, peut-être que quelques sourcilleux pointeront que la banque JP Morgan faisait partie des sponsors de l’événement, mais c’est un détail.

Certes, d’autres observateurs bienveillants objecteront que le cash est constitué majoritairement des billets de banques qui sont du papier issu de la transformation du bois et donc des arbres. Mais lorsque des espèces changent de mains, nul besoin de réseaux ni d’ordinateurs bancaires et donc d’énergie pour valider chaque transaction.

UN PETIT AIR FRAIS DE DAVOS ?

La déclaration de Boris Johnson serait plutôt appropriée à un Forum de Davos, haute instance où le capitalisme de connivence – qui se nourrit de réglementations, taxations, subventions -tisse ses réseaux internationaux et exerce son lobbying.

L’élite de Davos (que fréquente l’égérie Grta Thunberg) et nos dirigeants ont des intérêts en commun. Le but de toute organisation vivante est de croître, de grandir. Tout ceci serait très honorable si ce processus se déroulait dans un mode de concurrence ouverte. Il n’en est rien.

Pour les gouvernements, toute crise est une opportunité d’étendre leur emprise, d’augmenter le contrôle de nos vies au détriment de nos libertés. Pour les grandes entreprises qui s’achètent les faveurs du pouvoir, il leur suffit de pousser les bons pions au bon moment. Beaucoup d’acteurs ont intérêt à la disparition du cash.

La crise sanitaire a permis de contrôler nos déplacements, de mettre en place un QR code de flicage, de forcer des populations entières à devenir des cobayes de laboratoire testant des principes actifs encore en phase de test.

La crise climatique permet de contrôler nos modes de déplacement, de contraindre nos choix en matière d’énergie dont les prix ne dépendent plus d’un marché concurrentiel mais sont dictés par l’État.

BIENTÔT LA DICTATURE MONÉTAIRE

Après les dictatures sanitaire et énergétique, ne manque plus que la dictature monétaire pour arriver au bout de la route de la servitude. Cette dernière vient de trouver un soutien inattendu de la part de Boris Johnson ou « BoJo ». 

Que vous le vouliez ou non, face à des dépenses sociales insoutenables, des choix énergétiques désastreux, des déficits et des dettes non maîtrisables, la dictature monétaire s’imposera aussi facilement que le passe sanitaire.

À la prochaine crise financière nous verrons se mettre en place des systèmes permettant de contrôler toutes nos transactions. L’usage de la monnaie numérique de banque centrale et la disparition du cash permettront de séparer de leur argent les individus rétifs et d’en distribuer directement aux bons sujets, ceux qui le dépenseront pour acheter les produits et services jugés bons pour eux : travaux d’isolation superfétatoires, véhicules électriques, énergies vertes, alimentation bio…

Avec la disparition du cash, toute évasion d’argent dans des secteurs jugés maléfiques par nos experts et hautes autorités deviendra impossible. 

Nous serons revenus plus de 3000 ans en arrière. Avant l’invention des monnaies d’argent et d’or, au temps ou scribes et grands prêtres tenaient la comptabilité des échanges de leurs sujets, comme je l’explique dans mon livre sur l’évolution de la monnaie et des moyens de paiement.

La haine du pouvoir pour le cash possède les mêmes ressorts que sa haine pour les monnaies métalliques : la liberté d’échange et de transaction lui fait horreur. Le pouvoir entend contrôler la quantité, la qualité et les utilisations de la monnaie. Aujourd’hui, les technologies numériques permettent de servir ces desseins.

« Réindustrialiser doit être la grande cause du prochain quinquennat »

Édito

Par Natacha Polony

Publié le 04/11/2021 à 12:00

Pendant des années, ceux qui parlaient de « produire en France » étaient considérés au mieux comme des illuminés, au pire comme d’indécrottables chauvins. Le diagnostic est pourtant sans appel, rappelle Natacha Polony : nous avons désormais le profil d’un pays du tiers-monde. Nous exportons des matières premières et nous importons des produits transformés.

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Ça ressemble à une conversion. Pour la première fois depuis des décennies, à peu près tous les candidats à l’élection présidentielle s’inquiètent de la désindustrialisation et prétendent y remédier. Il aura fallu le mur, de plein fouet, à pleine vitesse. Celui du Covid et de la déchéance d’un pays incapable de produire le nécessaire pour ses médecins, ses infirmières. Il aura fallu l’image de ces personnels hospitaliers se confectionnant des blouses dans des sacs-poubelles. Qui aime son pays se réjouira. Mais qui se veut lucide gardera à l’esprit qu’un homme d’État doit, certes, guérir de ses erreurs, mais surtout être visionnaire. Ne pas attendre juin 1940 pour comprendre la nécessité de s’armer militairement et moralement.

Pendant des années, ceux qui parlaient de « produire en France » étaient considérés au mieux comme de sympathiques illuminés, au pire comme d’indécrottables chauvins, voire comme des nationalistes rances. Curieuse obsession que de vouloir fabriquer ce que d’autres faisaient pour nous moins cher. Et puis, ce discours alarmiste sur l’effondrement de l’appareil productif… Souvenez-vous de la phrase d’Emmanuel Macron, en 2017, contre les « déclinistes » (terme extraordinaire qui laisse croire que ceux qui diagnostiquent le déclin et veulent le combattre seraient en fait adeptes du déclin). « N’écoutez pas les cassandres », proclamait-il. Merveilleux contresens, de la part d’un homme qui se veut cultivé ! Cassandre est celle que les dieux ont condamnée à voir les catastrophes à venir mais à n’être jamais crue. Ceux qui ne veulent pas l’écouter ne sont pas des optimistes mais des illusionnistes.

Le diagnostic est pourtant sans appel.Et les chiffres que nous publions, collectés par le Haut-Commissariat au Plan, sont effarants. Depuis 2003, la France a cumulé 900 milliards de déficit commercial, 900 milliards d’achats consommés mais produits ailleurs. Le plus tragique : nous avons désormais le profil d’un pays du tiers-monde. Nous exportons des matières premières – bois, lin, blé ou pommes de terre – et nous importons des produits transformés. La France, pays d’ingénieurs, de chercheurs et de bâtisseurs, est devenue un pays de consommateurs, qui subit son destin.

CERCLE VICIEUX

Le défi des années à venir est de savoir si nous voulons être encore maîtres chez nous, capables de décider de notre modèle de société, ou si notre dépendance à l’extérieur va nous imposer peu à peu d’en finir avec les protections conquises depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Car le processus est celui-là : nous ne produisons plus, ce qui crée du chômage ; nous indemnisons ce chômage, donc ceux qui travaillent paient des charges ; ces charges renchérissent les produits que nous fabriquons encore, qui ne sont donc plus compétitifs ; et nous-mêmes, appauvris, préférons payer moins cher des produits venus d’ailleurs, créant encore plus de chômage ici. Jusqu’à ce que de doctes gestionnaires nous expliquent que ce sont les protections sociales qui coûtent trop cher.« Produire chez soi est la condition pour ne pas dépendre du bon vouloir des autres, pour être souverain. Et cela n’a rien de nationaliste non plus. C’est le fondement de la liberté. »

Aujourd’hui, chacun y va de son couplet sur la « réindustrialisation ». Mais, attention, pas question de donner quitus aux méchants « souverainistes » et « protectionnistes » qui alertaient depuis des années ! D’ailleurs, on va baptiser « souverainiste » l’extrême droite pour bien brouiller les cartes. On va dénoncer ceux qui voudraient « ériger des barrières ». Ça ne veut rien dire ? Pas grave. On reste dans le camp du bien. On est pour le libre-échange, mais honnête. Pour la libre circulation des hommes, des marchandises et des capitaux, mais de façon loyale.

PROTECTIONNISME

D’accord. Mais, concrètement, cela donne quoi ? Concrètement, la concurrence loyale signifie que tout produit qui vient d’un pays ne comportant pas les mêmes protections sociales ou environnementales doit être taxé pour compenser le déséquilibre. Cela s’appelle du protectionnisme, et ça n’a rien de xénophobe ou de nationaliste. Concrètement, le libre-échange honnête se joue entre pays qui ont les mêmes règles et le même niveau de développement économique. Ce qui signifie revenir sur les dogmes européens de grand marché mondial dérégulé. Concrètement, produire chez soi est la condition pour ne pas dépendre du bon vouloir des autres, pour être souverain. Et cela n’a rien de nationaliste non plus. C’est le fondement de la liberté.

Réindustrialiser est un processus de long terme (Marianne y a consacré un hors-série en octobre 2020). Cela nécessite d’identifier les filières à rebâtir, d’investir, de créer des synergies entre l’État et les collectivités locales. Il existe un levier essentiel pour cela, le seul qui soit véritablement efficace : la commande publique. Des millions d’euros qui doivent aller à des entreprises françaises. Encore faut-il que toutes les administrations soient mobilisées dans ce sens et formées à rédiger des appels d’offres, quitte à contourner l’esprit des normes européennes. Réindustrialiser doit être la grande cause du prochain quinquennat et mobiliser les efforts de chaque ministère, à commencer par celui de l’Éducation nationale, car le goût de produire par soi-même et de comprendre comment les choses sont faites, plutôt que de subir et consommer, s’apprend dès l’enfance. À nous, citoyens, de distinguer entre les grandes proclamations et les projets qui assument jusqu’au bout cette logique.

À LIRE AUSSI : France 2030 : la (très) timide conversion de Macron à la relance de l’industrie

Par Natacha Polony