Le sujet brûlant

Mercredi 2 août 2023
Juillet 2023, mois le plus chaud jamais mesuré : «On se prend notre vulnérabilité en pleine figure»Tempéra dure. Pour la première fois, tous mois confondus, la température moyenne de juillet 2023 a atteint les 17°C à la surface de la planète. Un rappel inédit de notre vulnérabilité, selon le climatologue Christophe Cassou, qui met en avant les conséquences des fortes chaleurs sur les écosystèmes.Jamais «depuis des centaines, voire des milliers d’années», la Terre n’avait connu un mois aussi chaud, selon le climatologue Karsten Haustein, de l’université de Leipzig (Allemagne). Pour lui, pas de doute, juillet 2023 a pulvérisé le record mondial de température. Un constat corroboré par les premières données satellitaires de l’observatoire européen Copernicus et de l’Organisation météorologique mondiale qui doivent encore être confirmées.
© Alban Leduc/Vert
Dès le début du mois, le thermomètre s’est affolé dans de nombreux pays de l’hémisphère nord ; les canicules se sont multipliées ; les océans n’ont jamais été aussi chauds ; de graves incendies ont ravagé des hectares de forêts, de la Grèce au Canada – où un millier de feux sont toujours actifs.«L’ère du réchauffement climatique est terminée, place à l’ère de l’ébullition mondiale», a réagi, jeudi dernier, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, exhortant les États à agir. «C’est décourageant, mais en fait, on est train de vivre la trajectoire prévue», nuance Christophe Cassou, climatologue au Centre national de recherche scientifique (CNRS) et co-auteur du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). «La fausse perception d’un emballement climatique provient du fait qu’on se prend en pleine figure notre vulnérabilité», estime-t-il auprès de Vert.
© Alban Leduc/Vert
Outre les records, les fortes températures entraînent un pic de mortalité dans les pays touchés par des vagues de chaleur. Elles détruisent les écosystèmes confrontés aux canicules marines et bouleversent la biodiversité concernée par les incendies. D’innombrables conséquences qu’il est encore difficile de mesurer. Pour éviter d’alimenter les «discours populistes et anxiogènes», le climatologue propose de mettre davantage en avant la dimension sociale et les inégalités de ces évènements du climat. Et de s’interroger : «Est-ce qu’on va accumuler les nouveaux records à chaque degré supplémentaire ?»
· Lundi, le gouvernement britannique s’est dit prêt à accorder une centaine de nouvelles licences d’exploration et d’exploitation pétrolières et gazières en mer du Nord, au motif de la sécurité énergétique du pays. Le premier ministre conservateur, Rishi Sunak, jure que son pays respectera ses engagements pour le climat, arguant qu’il sera moins polluant de produire ses propres hydrocarbures que de les importer. Or, le problème majeur des énergies fossiles n’est pas tant leur transport que leur utilisation, comme l’ont relevé des spécialistes et ONG, qui ajoutent que le pétrole et le gaz seront également destinés à l’exportation. – The Guardian (anglais)

· Vendredi, les avocat·es des Soulèvements de la Terre ont déposé deux recours devant le Conseil d’État pour contester la dissolution du mouvement, prononcée il y a un mois par le gouvernement. Outre les litiges sur la forme, le mouvement écologiste conteste la qualification de «groupement de fait» qui a permis sa dissolution et considère que la décision porte «une atteinte injustifiée et disproportionnée aux libertés d’expression, de réunion et d’association». Jeudi, un manifestant de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) a par ailleurs été condamné à un an de prison ferme pour recel de vol et dégradation après avoir ramassé la veste d’un gendarme et tagué un fourgon de gendarmerie.  Libération

· En 2022, la consommation mondiale de charbon a battu un nouveau record, atteignant huit milliards de tonnes, a estimé l’Agence internationale de l’énergie (AIE), vendredi. Si la majorité de la demande est portée par l’Asie, où le charbon est principalement utilisé dans l’industrie et la production d’électricité, l’Europe a également augmenté de 9 % sa consommation pour pallier le manque de gaz russe après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. – Les Echos (abonné·es)

· Les rassemblements de militant·es pendant la 28ème conférence des Nations unies (COP28) sur le climat, ne seront permis que s’ils sont «pacifiques», «autorisés» et dans un «espace» précis, ont annoncé mardi les organisateurs émiratis ce mardi. À Dubaï, où le sommet se tiendra en novembre, les manifestations sans autorisation sont formellement interdites. Les rassemblements ne pourront se tenir que dans un espace dédié. – Ouest France (AFP)

· Un nouveau jeu de grattage intitulé « Mission Nature », dont les gains devront servir à financer des actions de restauration de la biodiversité, sera lancé à l’automne prochain, a annoncé l’Office français de la biodiversité (OFB) fin juillet. La Française des jeux (FDJ), qui pilote le projet, devra néanmoins s’abstenir «d’établir un lien direct entre l’acte de jeu et la cause d’intérêt général poursuivie», ou de présenter «ce jeu comme un vecteur de financement de programmes dédiés à la préservation de la biodiversité» pour ne pas inciter au jeu.

· L’incendie à bord du cargo Fremantle Highway au large des Pays-Bas n’est toujours pas circonscrit. Transportant près de 3 000 véhicules neufs – dont de nombreuses voitures électriques – le navire est en proie à un violent incendie depuis le 26 juillet, qui a déjà provoqué la mort d’un membre de l’équipage. – France Info (AFP)

· Mardi, le journaliste Geoffroy Lejeune a pris ses fonctions de nouveau rédacteur en chef du Journal du dimanche, malgré l’opposition de la totalité des salarié·es qui ont mis fin, dans la douleur, à une grève longue de 40 jours. Deux semaines plus tôt, le magazine d’extrême droite dirigé pendant 7 ans par ce proche de Marion Maréchal Le Pen, Valeurs actuelles, publiait un hors-série qui rassemblait le gratin des climatosceptiques de France et d’ailleurs – décortiqué ici par nos confrères et consœurs d’Arrêt sur images. Cette brutale nomination s’annonce catastrophique pour la qualité de l’information et du débat public. Les mots du rédacteur en chef de Vert, Loup Espargilière.
Forêt faire attention. Avec l’océan, c’est le meilleur aspirateur à CO2 et donc un allié précieux dans la lutte contre la crise climatique. Hélas, la forêt perd ses capacités pour contrer le changement climatique. Sécheresse, multiplication d’insectes et de champignons ravageurs et récoltes de bois en légère augmentation ; la forêt française absorbe aujourd’hui deux fois moins de CO2 équivalent qu’il y a dix ans. Problème : la France compte sur le pouvoir des arbres pour atteindre la neutralité carbone (soit l’équilibre entre le CO2 émis et celui que l’on est capable d’absorber) en 2050. Pour tenter de maintenir ce cap, le gouvernement vient d’annoncer l’investissement de 8 à 10 milliards d’euros pour renouveler les forêts et planter un milliard d’arbres en dix ans.
«Ce n’est pas parce qu’il pleut qu’on n’a pas de problèmes de sécheresse»
Eaux semblants. Mardi, dans un entretien à Midi libre, le ministre de la transition écologique, Christophe Béchu, a annoncé que près de 120 communes – et leurs 30 000 habitant·es – étaient actuellement privées d’eau potable en France à cause de la sécheresse. «Ce n’est pas vraiment mieux, mais c’est moins pire que l’an dernier», a commenté le ministre, rappelant que 62% des nappes phréatiques restent actuellement à des niveaux inquiétants, dont 20% à des niveaux très bas.
· Barbac to back. En 2022, la consommation de viande par personne en France a augmenté de 0,5% par rapport à 2021, selon les estimations du ministère de l’Agriculture et de l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer. La viande de volaille et de lapin sont les seules à enregistrer une baisse (- 0,5%), en raison des épisodes de grippes aviaires. On importe également plus de viande de l’étranger (+11,5 % par rapport à 2021), dépassant ainsi les niveaux d’avant Covid. La consommation de viande par personne stagne depuis une dizaine d’années. – Reporterre

· Caisse à dire ? Après des mois de reports pour cause d’inflation, la fin de l’impression systématique du ticket de caisse est entrée en vigueur au 1er août. Est-ce vraiment une bonne idée pour la planète (et notre santé) ? (Re)lisez notre décryptage.

· C’est aujourd’hui, le 2 août, que nous avons symboliquement épuisé toutes les ressources que la planète est capable de renouveler en une année, selon les calculs du Global Footprint Network. Cette année, le «jour du dépassement» arrive cinq jours plus tard qu’en 2022, principalement en raison de l’ajout de nouveaux critères. «Il est difficile de déterminer dans quelle mesure ce phénomène est dû à un ralentissement économique ou à des efforts délibérés de décarbonation, précise à Vert l’ONG américaine. Quoi qu’il en soit, la réduction est beaucoup trop lente».
· Auto ou tard. Jeudi, le gouvernement a annoncé que les véhicules électriques devront obtenir un certain score environnemental pour pouvoir bénéficier du nouveau bonus écologique, prévu pour le 1er janvier 2024. En écartant certains modèles trop polluants ou produits hors d’Europe, l’État espère ainsi éviter l’émission de 800 000 tonnes de CO2-équivalent. – Les Échos (abonné·es)

· Prix soufflé. Depuis ce lundi, une chaîne de supermarchés allemande a augmenté les prix de neuf produits de consommation courante pour refléter leur impact environnemental. Alors que des saucisses ont vu leur prix doubler, le surcoût d’escalopes végans n’est que de 14 centimes. Une façon pour l’enseigne et l’équipe de scientifiques qui s’y est associée d’engager le débat sur le «vrai coût des effets sur le sol, le climat, l’eau et la santé». – Le Figaro (AFP)

· L’interdiction de chasser la tourterelle des bois (ou Streptopelia turtur) devrait être prolongée d’un an par le ministère de la transition écologique. Classé depuis 2015 dans la liste rouge des espèces menacées en France, cet oiseau migrateur ne peut plus être chassé depuis une décision prise en 2021 par le Conseil d’État, qui avait constaté un affaiblissement des populations. – La Croix
Voyage en zone humideTourbière de vacance. D’un «truc qui ne sert à rien» à un élément essentiel pour le climat et la biodiversité, la zone humide est devenue la star des programmes de préservation de la nature. Pour savoir à quoi ça ressemble et comment ça fonctionne, Ophélie de «Ta mère nature» nous emmène en voyage à la découverte d’une tourbière du sud-ouest de la France.
© Ta mère nature
+ Loup Espargilière, Juliette Quef et Sanaga ont contribué à ce numéro