Une tragédie humaine : plus de 2 500 migrants sont morts ou disparus en Méditerranée en 2023

30.octobre.2023 // Les Crises

 

Les routes terrestres empruntées par les migrants à travers l’Afrique subsaharienne et les points de passage maritimes en Libye et en Tunisie sont également extrêmement dangereux en raison des guerres et des conflits locaux. Ceux qui survivent à la périlleuse traversée maritime sont souvent harcelés par un réseau d’agences dans les pays européens.

Source : ScheerPost, Peoples Dispatch
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Migrants à bord d’un bateau pneumatique avant leur sauvetage coordonné par un navire militaire américain près de l’Espagne en 2016. (US Navy, Wesley R. Dickey, Wikimedia Commons, Public domain)

Plus de 2 500 personnes sont mortes ou ont disparu en essayant de traverser la mer Méditerranée pour atteindre l’Europe en septembre de cette année, a déclaré le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), un énorme bond par rapport au chiffre de l’année dernière pour la même période, qui s’élevait à 1 680.

Le directeur du HCR, Ruven Menikdiwela, a déclaré au Conseil de sécurité des Nations Unies, lors d’une réunion le jeudi 28 septembre, que malgré le nombre accru de décès et d’accidents, l’afflux de migrants en Europe n’a pas ralenti et qu’il n’y a aucune raison de croire qu’il le fera dans un avenir proche.

Menikdiwela a affirmé qu’au moins 186 000 personnes ont atteint l’Europe par la Méditerranée au cours de la même période.

Près de 83 % de tous ceux qui ont débarqué en Europe – soit 130 000 – ont atterri en Italie, le reste étant réparti entre divers autres pays européens côtiers tels que la Grèce et l’Espagne.

Le HCR a rappelé que la route terrestre habituellement empruntée par les migrants et les réfugiés pour atteindre la mer à travers l’Afrique subsaharienne et les points de passage maritimes en Libye et en Tunisie restent extrêmement dangereux en raison des guerres et des conflits locaux dans la région.

Selon Menikdiwela, davantage de migrants perdent la vie sur la terre ferme, « loin de l’attention du public. »

Menikdiwela a également indiqué que plus de 100 000 personnes sont passées par la Tunisie pour traverser la Méditerranée cette année, ce qui représente une augmentation de 260 % par rapport à l’année dernière. À titre de comparaison, environ 45 000 personnes ont fait de même à partir de la Libye.

Selon Pär Liljert, directeur de l’Organisation internationale des migrations (OIM), le nombre total de morts ou de disparus en Méditerranée entre janvier et septembre de cette année s’élève à 2 778. Ce chiffre est légèrement supérieur à celui présenté par le HCR. L’OIM affirme que sur ce total, 2 093 sont morts dans la seule Méditerranée centrale, qui est la route maritime la plus meurtrière au monde.

Selon l’OIM, plus de 28 105 migrants ont disparu ou sont morts en Méditerranée depuis 2014.

La politique inhumaine de l’UE en matière de contrôle des frontières

La plupart des migrants meurent lorsque leurs petites embarcations, souvent inadaptées ou surchargées, rencontrent des problèmes en mer, alors qu’il n’y a que très peu ou pas de moyens de secours. Certains bateaux coulent également en raison de la confrontation avec les contrôles frontaliers européens.

L’Union européenne a adopté une politique de contrôle des frontières stricte et à plusieurs niveaux pour empêcher l’afflux de migrants. Elle dispose de sa propre agence Frontex, qui participe aux patrouilles, en plus des garde-côtes des différents pays. L’UE a également signé des accords de contrôle des frontières avec des pays comme la Libye et la Tunisie.

Toutes ces agences utilisent diverses méthodes pour décourager les migrants. Elles harcèlent souvent les bateaux remplis de migrants, les menacent, les retournent ou les repoussent en mer s’ils parviennent à atteindre la côte. Dans certains cas, lorsque les migrants parviennent à débarquer, ils sont harcelés et détenus dans des prisons à ciel ouvert. Les ONG impliquées dans les opérations de secours et de sauvetage ont également accusé Frontex d’empêcher leur travail dans certains cas.

Un rapport de l’ONU publié au début de l’année avait accusé l’UE d’être directement ou indirectement impliquée dans des crimes de guerre en Libye, liés à l’enlèvement et à la séquestration de migrants et de réfugiés par divers acteurs non étatiques.

Source : ScheerPost, Peoples Dispatch, 01-10-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

A la une

Mercredi 25 octobre 2023

Les «signes vitaux» de la Terre s’épuisent, des scientifiques tirent la sonnette d’alarme. En 2023, les indicateurs utilisés pour mesurer les crises écologiques s’affolent et l’humanité n’en fait toujours pas assez.«La vérité, c’est que nous sommes choqués par la férocité des événements climatiques extrêmes de 2023. Nous sommes effrayés par le terrain inconnu dans lequel nous sommes entrés». Le ton est donné : les scientifiques qui ont contribué à ce rapport sur l’état du climat en 2023, publié mardi dans la revue Bioscience, décrivent l’«état de siège» de la vie sur Terre. 20 des 35 «signes vitaux» de la planète identifiés – parmi lesquels on trouve les émissions de gaz à effet de serre, la consommation de viande par habitant·e, la déforestation liée aux incendies ou les anomalies de température – «présentent actuellement des extrêmes records», s’alarme l’étude. Vagues de chaleur exceptionnelles, températures historiques des océans, glaces de mer plus réduites que jamais… «Ce qui est encore plus frappant, ce sont les marges énormes avec lesquelles les conditions de 2023 dépassent les extrêmes du passé», commentent les auteur·rices.



2023 est l’année de tous les records, comme le soulignent ces différents indicateurs. © Ripple et al. / Traduction par Vert. Le changement climatique a décuplé les événements extrêmes comme les inondations, les glissements de terrain, et les violents orages, ; les forêts sont de plus en plus menacées par le climat, qui accélère le dépérissement des arbres, aggrave les incendies et propage les maladies causées par des insectes. Les scientifiques déplorent des «progrès minimes» dans la lutte climatique. La transition verte espérée par beaucoup après le Covid-19 ne s’est pas concrétisée et la consommation d’énergies renouvelables (solaire et éolien) demeure quinze fois inférieure à celle des énergies fossiles. La possibilité «d’un effondrement de la société à l’échelle mondiale est envisageable et dangereusement sous-explorée». Parmi les recommandations des scientifiques : éliminer le charbon, augmenter la séquestration du carbone grâce à des solutions basées sur la nature (reforestation, protection des zones humides, etc) ou encore évoluer vers des régimes alimentaires moins carnés. Enfin, une attention particulière doit être portée à la question de la justice sociale et à la répartition équitable des coûts et bénéfices de l’action climatique.

L’Occitanie se dote d’une foncière au service de l’installation de nouveaux agriculteurs

Mardi 13/06/2023

Publié par Pleinchamp

A l’initiative de la Région Occitanie et portée par 13 actionnaires, la Foncière agricole d’Occitanie dispose d’une première capitalisation de 1,6 million d’euros pour soutenir l’installation de nouveaux projets ne bouclant pas leur financement, en assurant le portage foncier sur 4 à 9 ans. La priorité est donnée aux projets d’agriculture durable, portés par des hors-cadre ou des Nima, mais pas exclusivement.

Avec 41% des chefs d’exploitation âgés de plus de 55 ans et 30% de la SAU, soit 1 million d’ha, amené à changer de main dans les 10 ans à venir, l’Occitanie n’échappe pas au défi générationnel, pour ne pas dire existentiel, du secteur agricole. Dans le cadre de sa politique de soutien au développement économique agricole, la Région a souhaité répondre aux questions d’accès au foncier. Elle l’a fait en créant en 2022 la Foncière agricole d’Occitanie, une SAS dédiée à l’acquisition et au portage.  « L’objectif est de rendre possibles des installations qui ne le seraient pas sans le portage foncier », explique Emmanuelle Laganierresponsable aménagement et foncier agricole à l’Agence régionale d’aménagement et de construction (ARAC), société d’économie mixte dont l’actionnaire principal est la Région Occitanie.

« L’idée est de les aider à passer la période difficile de l’installation et de leur permettre de commencer à rembourser d’autres emprunts que ceux liés au foncier »

En 2021, la Région Occitanie avait validé le concept auprès d’une dizaine de porteurs de projet avant de créer la Foncière et d’y associer la SAFER, les OPA régionales (Chambre d’agriculture, La coopération agricole, JA) et les réseaux bancaires (dont les cinq caisses régionales du Crédit agricole). « L’idée, est de les aider à passer la période difficile de l’installation et de leur permettre de commencer à rembourser d’autres emprunts que ceux liés au foncier », poursuit Emmanuelle Laganier.

Repérage des zones à enjeu du point de vue de la maitrise du foncier (Source : MSA / Ceresco)
Repérage des zones à enjeu du point de vue de la maitrise du foncier (Source : MSA / Ceresco)

Entre autres critères d’éligibilité, outre le verrou bancaire, le candidat doit disposer d’une étude économique validée, ou en cours de validation, par un prescripteur (Chambre d’agriculture, ADDEAR, Terre Vivante…). Cela inclut de fait les prérequis en matière de formation et/ou de compétences. « Vis-à-vis des actionnaires, la Foncière a le devoir de sécuriser le projet », indique la responsable.

À VOIR AUSSIPortage foncier : enjeux, faiblesses et recommandations

Un rapport du CGAAER recommande de renforcer l’attractivité du statut du fermage pour les propriétaires-bailleurs tout en ménageant, dans un souci d’équilibre et de manière indissociable, des contreparties aux preneurs. Il appelle également à créer un observatoire national du foncier, indépendant, destiné à combler l’insuffisance de données.

Exemple d’ingénieure financière mise en place par la Foncière agricole d’Occitanie (Source : Foncière agricole d’Occitanie)
Exemple d’ingénieure financière mise en place par la Foncière agricole d’Occitanie (Source : Foncière agricole d’Occitanie)

Sur ces bases, la Foncière se porte candidate à l’acquisition du foncier identifié auprès de la Safer, avant de lui en confier en retour la gestion du bail, durant toute la durée du portage, comprise entre 4 et 9 ans. « Le porteur de projet ne paie rien au départ, précise Emmanuelle Laganier. Durant toute la durée du portage, il acquitte une redevance de bail auprès de la Safer dont le montant dépend des arrêtés départementaux et du type de foncier ».

« Le candidat supporte une épargne annuelle équivalent à 0,5% du prix du foncier, qui lui est reversée en fin de portage, dans l’idée de lui rappeler qu’il devra bien acquérir le foncier »

L’agriculteur supporte également une redevance foncière, correspondant aux frais d’acquisition initiaux et incluant des frais de portage, payés en partie annuellement et au terme du portage, et compris au maximum, selon la durée et le montant du portage, entre 9% et 17% du prix d’acquisition du foncier. « Les frais de portage ont été calculés au plus juste, précise Emmanuelle Laganier. La Foncière porte une mission d’intérêt général. Avec un retour sur investissement de 1,25%, son objectif n’est pas de gagner de l’argent mais de ne pas en perdre non plus ».

À VOIR AUSSIInstallation : ne les appelez plus les NIMA

A la redevance de bail et à la redevance foncière s’ajoute enfin un mécanisme d’épargne. « Le candidat supporte une épargne annuelle équivalent à 0,5% du prix du foncier, qui lui est reversée en fin de portage, dans l’idée de lui rappeler qu’il devra bien acquérir le foncier », indique Emmanuelle Laganier.

Les deux vertus du portage foncier

En différant l’investissement dans le foncier, le portage permet de diminuer le taux d’endettement et de débloquer potentiellement un projet d’installation. Second avantage : en fin de portage, le prix auquel l’agriculteur achète le foncier est strictement identique à celui payé à l’origine par la Foncière, ce qui permet de déjouer d’éventuels phénomènes d’inflation. « C’est un choix revendiqué haut et fort par la Région Occitanie, souligne Emmanuelle Laganier. Quand un porteur de projet se présente avec un projet d’achat n’impliquant pas la Safer, nous procédons à une expertise du prix. La Foncière a un devoir d’exemplarité qui lui interdit d’acheter des terres plus chères que le prix de marché ».

« La Foncière peut permettre d’anticiper l’installation de la nouvelle génération, sans endetter davantage la structure familiale »

La durée du portage opéré par la Foncière est comprise entre 4 et 9 ans et plafonnée à 150.000 euros, dont 50.000 euros de bâti, et à la condition qu’il soit indispensable à l’exercice de l’activité. La limite d’âge du porteur de projet est fixée à 45 ans, ce qui induit potentiellement une amorce de remboursement du foncier passés les 54 ans dans le cas d’un portage de 9 ans.

La Région a donné priorité aux projets d’agriculture durable, portés par des hors-cadre familiaux ou des Non issus du milieu agricole (Nima), mais pas exclusivement. « La Foncière peut permettre d’anticiper l’installation de la nouvelle génération, via un nouvel atelier par exemple, sans endetter davantage la structure familiale », explique Emmanuelle Laganier.

Le Foncière agricole d’Occitanie dispose d’une première capitalisation de 1,6 million d’euros, susceptible de financer une vingtaine de projets. Un second appel de fonds pourrait suivre avant que le mécanisme s’autoalimente sous l’effet des premières reventes de foncier aux porteurs de projet. Pionnière, la Région Occitanie pourrait inspirer d’autres collectivités à travers la France.

Un article de Raphaël Lecocq

Foncier et cessions de parts sociales : le portail de télédéclaration administrative est actif

Publié par Pleinchamp

La loi « Sempastous » du 23 décembre 2021 impose la télédéclaration des cessions de parts sociales et de toute opération engendrant une modification du contrôle des sociétés possédant ou exploitant du foncier agricole, deux mois avant la date envisagée pour la cession ou l’opération.

A l’occasion du Salon de l’agriculture, la Fédération nationale des Safer (FNSafer) a annoncé l’ouverture du portail des opérations sociétaires, conformément à la loi du 23 décembre 2021 portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires. La loi dite « Sempastous » soumet les projets de vente de parts de sociétés agricoles à une autorisation administrative préalable.

Avant la promulgation de la loi, les Safer ne pouvaient agir sur le marché sociétaire que de façon très limitée puisque leur droit de préemption ne pouvait s’exercer qu’en cas de cession à titre onéreux de la totalité des parts ou actions d’une société ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole. Ce cadre juridique laissait la possibilité de contourner le contrôle des structures en cas de cession partielle, tout en entretenant l’opacité sur un marché grandissant, celui des parts sociales, qui a représenté 42% des transactions en surface en 2021 selon la FNSafer. A titre indicatif, cette même année 2021, les cessions totales de parts ne concernaient que 3% du cumul des parts cédées.

À VOIR AUSSILa loi foncière Sempastous entre en application

A noter cependant l’instauration par la loi Sempastous d’un droit de préemption au-delà d’un seuil de 40% de vente de parts (hors cessions entre époux, partenaires pacsés et les cessions intrafamiliales jusqu’au quatrième degré et exploitants associés de longue date).

Les opérations concernées

La télédéclaration et l’autorisation administrative préalable concernent toute cession entre vifs conclue à titre onéreux ou gratuit portant sur des actions ou parts de sociétés détenant en propriété ou en jouissance des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole ou détenant des droits sur de telles sociétés, ainsi que toute opération emportant modification de la répartition du capital social ou des droits de vote et aboutissant à transférer le contrôle d’une des sociétés précitées.

La formalité déclarative peut être remplie par un des cédants, un des cessionnaires ou bénéficiaires ou bien par le représentant légal de la société faisant l’objet de l’opération ou encore par tout délégataire dûment mandaté ou, enfin, par le notaire chargé d’instrumenter la cession ou l’opération.

La télédéclaration doit être effectuée deux mois avant la date envisagée pour la cession ou l’opération. Les Safer sont chargées de l’instruction des demandes d’autorisation des opérations sociétaires, au nom et pour le compte de l’Etat et sous son contrôle. La décision finale appartient aux préfets de département.

Les trois objectifs de la télédéclaration

La déclaration permet d’abord, le cas échéant, de purger le droit de préemption de la Safer en cas d’aliénation à titre onéreux de la totalité des parts ou actions d’une société ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole. Elle a pour effet de soumettre à autorisation administrative l’opération concernée lorsqu’elle doit aboutir à dépasser un seuil d’agrandissement significatif déterminé par région et conduire à une prise de contrôle d’une société possédant ou exploitant des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole. En effet, depuis le 1er mars 2023, toute opération conduisant à une prise de contrôle et au dépassement d’un seuil de superficie fixé par le préfet doit faire l’objet d’une demande d’autorisation. Enfin, pour toute opération qui n’entre pas dans le champ des modalités de contrôle précitées ou qui en est exemptée, la procédure permet d’assurer la transparence du marché foncier, une des vocations historiques des Safer.

Terre de liens sur sa faim

Dans un rapport publié récemment et consacré à la propriété des terres agricoles, le mouvement Terre de liens a fait part de ses doutes quant à l’efficacité de la loi Sempastous, dénonçant pêle-mêle les exemptions (opérations réalisées par les Safer, cessions entre associés, cessions intrafamiliales), le niveau de seuil de déclenchement du contrôle pour agrandissement significatif (plus de 1,5 à 3 fois la surface moyenne des fermes), les mesures compensatoires en trompe-l’œil en cas de refus du préfet, l’impossibilité pour les Safer de vérifier la situation des demandeurs au regard du Registre parcellaire graphique et du fichier des sociétés. L’impact de la loi fera l’objet d’un rapport parlementaire avant la fin 2024.

Un article de Raphaël Lecocq

La hausse des taux d’intérêt, ou l’agrandissement en roue libre

Vendredi 06/10/2023

Publié par Pleinchamp

[Edito] Le renchérissement du coût du crédit, allié à la capitalisation croissante des exploitations, complique l’équation économique des projets de reprise et va, à bas bruit, accélérer l’agrandissement et la concentration capitalistique.

La terre plus chère. Les bâtiments plus chers. Les animaux plus chers. Le matériel plus cher et pour finir, le crédit plus cher. Et en face, des céréales, du lait et de la viande qui ont bien du mal à suivre la cadence, et qui ne sont jamais à l’abri d’un trou d’air, volatilité oblige. Résultats : des ratios de rentabilité qui se dégradent, une solvabilité des projets de reprise qui s’émousse, des dossiers de financement qui virent au rouge, quand les mêmes, un an plus tôt, passaient au vert. Si la crise inflationniste percute l’ensemble de l’économie, l’agriculture présente une vulnérabilité particulière, du fait de la pyramide démographique : 100.000 exploitations seront potentiellement mises sur le marché dans la décennie à venir, un marché de vendeurs.

Le non-retour des prêts bonifiés

Or une partie du vivier réside dans les candidats dits non issus du milieu agricole (NIMA), que le renchérissement des capitaux et des taux d’intérêt risque d’exclure de l’écosystème, plus sûrement que les apparentés au milieu, financièrement moins contraints, sauf à choisir la voie du rachat de parts sociales de Gaec quand la possibilité se présente. Il ne faudra sans doute pas compter sur le retour des prêts bonifiés, réactivés cette semaine par le gouvernement pour permettre aux entreprises viticoles, non pas d’investir… mais de de rembourser leur PGE. En matière d’installation, rien ne dit que les Régions, qui ont récupéré les prérogatives et les budgets, vont opérer un tour de passe-passe et de vases communicants entre leurs différents dispositifs de soutien.

Capitulation et capitalisation

Les fonds de portage foncier, présentés comme une des solutions à l’allègement de la charge de reprise, pourraient eux aussi ne pas être épargnés par la hausse des taux d’intérêt. Sauf renversement de tendance, le scénario le plus probable qui se dessine est celui de l’agrandissement à marche forcée, plus ou moins forcée si l’on considère le taux de faux-semblants. A moins que la récente loi Sempastous, instaurant des garde-fous contre l’agrandissement excessif, via les cessions de parts sociales, ne s’avère efficiente. Mais rien ne dit qu’elle va couper tous les chemins permettant de contourner la régulation.

Tous les ingrédients sont donc réunis pour que le niveau atteint par les taux d’intérêt génère un appel d’air à l’agrandissement, un chiffon rouge agité par tous, avec plus ou moins de sincérité, mais qui ne va pas cesser de pâlir au fil du temps, au point de virer, sans bruit, au drapeau blanc : celui d’une capitulation en rase campagne, doublée d’une capitalisation galopante.

Un article de Raphaël Lecocq