La capitalisation, moyen ou finalité de l’exploitation ?

D. Ramaz-Beaujard

Économie rurale  Année 1987  181  pp. 20-25

Fait partie d’un numéro thématique : I – Financement et capitalisation de l’agriculture

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L’Occitanie se dote d’une foncière au service de l’installation de nouveaux agriculteurs

Mardi 13/06/2023

Publié par Pleinchamp

A l’initiative de la Région Occitanie et portée par 13 actionnaires, la Foncière agricole d’Occitanie dispose d’une première capitalisation de 1,6 million d’euros pour soutenir l’installation de nouveaux projets ne bouclant pas leur financement, en assurant le portage foncier sur 4 à 9 ans. La priorité est donnée aux projets d’agriculture durable, portés par des hors-cadre ou des Nima, mais pas exclusivement.

Avec 41% des chefs d’exploitation âgés de plus de 55 ans et 30% de la SAU, soit 1 million d’ha, amené à changer de main dans les 10 ans à venir, l’Occitanie n’échappe pas au défi générationnel, pour ne pas dire existentiel, du secteur agricole. Dans le cadre de sa politique de soutien au développement économique agricole, la Région a souhaité répondre aux questions d’accès au foncier. Elle l’a fait en créant en 2022 la Foncière agricole d’Occitanie, une SAS dédiée à l’acquisition et au portage.  « L’objectif est de rendre possibles des installations qui ne le seraient pas sans le portage foncier », explique Emmanuelle Laganierresponsable aménagement et foncier agricole à l’Agence régionale d’aménagement et de construction (ARAC), société d’économie mixte dont l’actionnaire principal est la Région Occitanie.

« L’idée est de les aider à passer la période difficile de l’installation et de leur permettre de commencer à rembourser d’autres emprunts que ceux liés au foncier »

En 2021, la Région Occitanie avait validé le concept auprès d’une dizaine de porteurs de projet avant de créer la Foncière et d’y associer la SAFER, les OPA régionales (Chambre d’agriculture, La coopération agricole, JA) et les réseaux bancaires (dont les cinq caisses régionales du Crédit agricole). « L’idée, est de les aider à passer la période difficile de l’installation et de leur permettre de commencer à rembourser d’autres emprunts que ceux liés au foncier », poursuit Emmanuelle Laganier.

Repérage des zones à enjeu du point de vue de la maitrise du foncier (Source : MSA / Ceresco)
Repérage des zones à enjeu du point de vue de la maitrise du foncier (Source : MSA / Ceresco)

Entre autres critères d’éligibilité, outre le verrou bancaire, le candidat doit disposer d’une étude économique validée, ou en cours de validation, par un prescripteur (Chambre d’agriculture, ADDEAR, Terre Vivante…). Cela inclut de fait les prérequis en matière de formation et/ou de compétences. « Vis-à-vis des actionnaires, la Foncière a le devoir de sécuriser le projet », indique la responsable.

À VOIR AUSSIPortage foncier : enjeux, faiblesses et recommandations

Un rapport du CGAAER recommande de renforcer l’attractivité du statut du fermage pour les propriétaires-bailleurs tout en ménageant, dans un souci d’équilibre et de manière indissociable, des contreparties aux preneurs. Il appelle également à créer un observatoire national du foncier, indépendant, destiné à combler l’insuffisance de données.

Exemple d’ingénieure financière mise en place par la Foncière agricole d’Occitanie (Source : Foncière agricole d’Occitanie)
Exemple d’ingénieure financière mise en place par la Foncière agricole d’Occitanie (Source : Foncière agricole d’Occitanie)

Sur ces bases, la Foncière se porte candidate à l’acquisition du foncier identifié auprès de la Safer, avant de lui en confier en retour la gestion du bail, durant toute la durée du portage, comprise entre 4 et 9 ans. « Le porteur de projet ne paie rien au départ, précise Emmanuelle Laganier. Durant toute la durée du portage, il acquitte une redevance de bail auprès de la Safer dont le montant dépend des arrêtés départementaux et du type de foncier ».

« Le candidat supporte une épargne annuelle équivalent à 0,5% du prix du foncier, qui lui est reversée en fin de portage, dans l’idée de lui rappeler qu’il devra bien acquérir le foncier »

L’agriculteur supporte également une redevance foncière, correspondant aux frais d’acquisition initiaux et incluant des frais de portage, payés en partie annuellement et au terme du portage, et compris au maximum, selon la durée et le montant du portage, entre 9% et 17% du prix d’acquisition du foncier. « Les frais de portage ont été calculés au plus juste, précise Emmanuelle Laganier. La Foncière porte une mission d’intérêt général. Avec un retour sur investissement de 1,25%, son objectif n’est pas de gagner de l’argent mais de ne pas en perdre non plus ».

À VOIR AUSSIInstallation : ne les appelez plus les NIMA

A la redevance de bail et à la redevance foncière s’ajoute enfin un mécanisme d’épargne. « Le candidat supporte une épargne annuelle équivalent à 0,5% du prix du foncier, qui lui est reversée en fin de portage, dans l’idée de lui rappeler qu’il devra bien acquérir le foncier », indique Emmanuelle Laganier.

Les deux vertus du portage foncier

En différant l’investissement dans le foncier, le portage permet de diminuer le taux d’endettement et de débloquer potentiellement un projet d’installation. Second avantage : en fin de portage, le prix auquel l’agriculteur achète le foncier est strictement identique à celui payé à l’origine par la Foncière, ce qui permet de déjouer d’éventuels phénomènes d’inflation. « C’est un choix revendiqué haut et fort par la Région Occitanie, souligne Emmanuelle Laganier. Quand un porteur de projet se présente avec un projet d’achat n’impliquant pas la Safer, nous procédons à une expertise du prix. La Foncière a un devoir d’exemplarité qui lui interdit d’acheter des terres plus chères que le prix de marché ».

« La Foncière peut permettre d’anticiper l’installation de la nouvelle génération, sans endetter davantage la structure familiale »

La durée du portage opéré par la Foncière est comprise entre 4 et 9 ans et plafonnée à 150.000 euros, dont 50.000 euros de bâti, et à la condition qu’il soit indispensable à l’exercice de l’activité. La limite d’âge du porteur de projet est fixée à 45 ans, ce qui induit potentiellement une amorce de remboursement du foncier passés les 54 ans dans le cas d’un portage de 9 ans.

La Région a donné priorité aux projets d’agriculture durable, portés par des hors-cadre familiaux ou des Non issus du milieu agricole (Nima), mais pas exclusivement. « La Foncière peut permettre d’anticiper l’installation de la nouvelle génération, via un nouvel atelier par exemple, sans endetter davantage la structure familiale », explique Emmanuelle Laganier.

Le Foncière agricole d’Occitanie dispose d’une première capitalisation de 1,6 million d’euros, susceptible de financer une vingtaine de projets. Un second appel de fonds pourrait suivre avant que le mécanisme s’autoalimente sous l’effet des premières reventes de foncier aux porteurs de projet. Pionnière, la Région Occitanie pourrait inspirer d’autres collectivités à travers la France.

Un article de Raphaël Lecocq

Foncier et cessions de parts sociales : le portail de télédéclaration administrative est actif

Publié par Pleinchamp

La loi « Sempastous » du 23 décembre 2021 impose la télédéclaration des cessions de parts sociales et de toute opération engendrant une modification du contrôle des sociétés possédant ou exploitant du foncier agricole, deux mois avant la date envisagée pour la cession ou l’opération.

A l’occasion du Salon de l’agriculture, la Fédération nationale des Safer (FNSafer) a annoncé l’ouverture du portail des opérations sociétaires, conformément à la loi du 23 décembre 2021 portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires. La loi dite « Sempastous » soumet les projets de vente de parts de sociétés agricoles à une autorisation administrative préalable.

Avant la promulgation de la loi, les Safer ne pouvaient agir sur le marché sociétaire que de façon très limitée puisque leur droit de préemption ne pouvait s’exercer qu’en cas de cession à titre onéreux de la totalité des parts ou actions d’une société ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole. Ce cadre juridique laissait la possibilité de contourner le contrôle des structures en cas de cession partielle, tout en entretenant l’opacité sur un marché grandissant, celui des parts sociales, qui a représenté 42% des transactions en surface en 2021 selon la FNSafer. A titre indicatif, cette même année 2021, les cessions totales de parts ne concernaient que 3% du cumul des parts cédées.

À VOIR AUSSILa loi foncière Sempastous entre en application

A noter cependant l’instauration par la loi Sempastous d’un droit de préemption au-delà d’un seuil de 40% de vente de parts (hors cessions entre époux, partenaires pacsés et les cessions intrafamiliales jusqu’au quatrième degré et exploitants associés de longue date).

Les opérations concernées

La télédéclaration et l’autorisation administrative préalable concernent toute cession entre vifs conclue à titre onéreux ou gratuit portant sur des actions ou parts de sociétés détenant en propriété ou en jouissance des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole ou détenant des droits sur de telles sociétés, ainsi que toute opération emportant modification de la répartition du capital social ou des droits de vote et aboutissant à transférer le contrôle d’une des sociétés précitées.

La formalité déclarative peut être remplie par un des cédants, un des cessionnaires ou bénéficiaires ou bien par le représentant légal de la société faisant l’objet de l’opération ou encore par tout délégataire dûment mandaté ou, enfin, par le notaire chargé d’instrumenter la cession ou l’opération.

La télédéclaration doit être effectuée deux mois avant la date envisagée pour la cession ou l’opération. Les Safer sont chargées de l’instruction des demandes d’autorisation des opérations sociétaires, au nom et pour le compte de l’Etat et sous son contrôle. La décision finale appartient aux préfets de département.

Les trois objectifs de la télédéclaration

La déclaration permet d’abord, le cas échéant, de purger le droit de préemption de la Safer en cas d’aliénation à titre onéreux de la totalité des parts ou actions d’une société ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole. Elle a pour effet de soumettre à autorisation administrative l’opération concernée lorsqu’elle doit aboutir à dépasser un seuil d’agrandissement significatif déterminé par région et conduire à une prise de contrôle d’une société possédant ou exploitant des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole. En effet, depuis le 1er mars 2023, toute opération conduisant à une prise de contrôle et au dépassement d’un seuil de superficie fixé par le préfet doit faire l’objet d’une demande d’autorisation. Enfin, pour toute opération qui n’entre pas dans le champ des modalités de contrôle précitées ou qui en est exemptée, la procédure permet d’assurer la transparence du marché foncier, une des vocations historiques des Safer.

Terre de liens sur sa faim

Dans un rapport publié récemment et consacré à la propriété des terres agricoles, le mouvement Terre de liens a fait part de ses doutes quant à l’efficacité de la loi Sempastous, dénonçant pêle-mêle les exemptions (opérations réalisées par les Safer, cessions entre associés, cessions intrafamiliales), le niveau de seuil de déclenchement du contrôle pour agrandissement significatif (plus de 1,5 à 3 fois la surface moyenne des fermes), les mesures compensatoires en trompe-l’œil en cas de refus du préfet, l’impossibilité pour les Safer de vérifier la situation des demandeurs au regard du Registre parcellaire graphique et du fichier des sociétés. L’impact de la loi fera l’objet d’un rapport parlementaire avant la fin 2024.

Un article de Raphaël Lecocq